Pavarotti, transformer en rires les maux et les pleurs

Pavarotti
de Ron Howard
Documentaire
Avec Spike Lee, Luciano Pavarotti, Princess Diana
Sorti le 23 octobre 2019

Après s’être penché sur un sujet plus « commercial » avec Solo : A Star Wars Story, Ron Howard nous revient avec un projet plus terre à terre et davantage axé sur l’humain. Si le réalisateur s’était intéressé à une thématique plus pop en 2016 avec The Beatles : Eight Days a Week – The Touring Years, il choisit désormais de revenir sur la carrière de Luciano Pavarotti.

Figurant aux côtés d’Enrico Caruso parmi les plus grands ténors du XXe siècle, Luciano Pavarotti a réussi à démocratiser l’Opéra de façon extraordinaire, livrant des interprétations inspirées des œuvres de Verdi, Puccini ou Leoncavallo avant de s’associer aux plus grands interprètes pop et rock de notre époque avec Pavarotti & Friends.

Pour toute personne qui ne connaitrait rien du personnage, Pavarotti dresse un portrait particulièrement étonnant de l’artiste : joyeux, humain, accessible, spontané et bon vivant, bien loin de l’image que l’on pourrait se faire d’un ténor de l’opéra. L’image d’un homme qui, au-delà de son impact médiatique, aura su conserver une humanité rare, un amour pour sa famille et les choses simples de l’existence (les pâtes et la nourriture italienne en l’occurence) : « Les gens me reconnaissent dans la rue. Très bien ! Mais j’ai trois filles et une femme. Et quand je suis à la maison, je sais exactement qui je suis : rien. Zéro ! Mais je suis heureux ».

Au-delà de ces qualités, Ron Howard parvient également à ne pas gommer les failles de l’artiste. Car Pavarotti était également amateur de femmes, et ses relations avec la Soprano Madelyn Renée puis, plus tard, son assistance Nicoletta Mantovani (avec qui il se mariera en 2002 avant d’avoir un enfant l’année suivante) seront longuement présentées par le biais du témoignage des deux principales intéressées et de la première épouse du ténor.

Jalonnant le film de grandes œuvres comme « La Tosca » ou « L’Elisir d’Amore », Ron Howard offre une construction subtile à cette nouvelle réalisation, passant des premières années de ténor de l’artiste à son passage à Covent Garden en remplacement de Giuseppe di Stefano. Cela lui permettra ainsi d’opérer un glissement vers la carrière plus populaire du chanteur et de ses récitals lancés à l’initiative de son manager Herbert Breslin.

Mais la vie de Luciano Pavarotti était avant tout une aventure humaine, et l’accent sera également mis sur les Master Class auxquelles participa l’artiste à partir de la fin des années 70, au sujet desquelles celui-ci déclarera : « Il n’y a pas de grands professeurs, il n’y a pas de grands élèves. C’est la rencontre des deux, ensemble ! »

Dans cette optique humaine, Pavarotti organisera entre 1992 et 2003 les concerts Pavarotti & Friends, au cours desquels il se joindra aux plus grands musiciens blues-soul-pop-rock de notre époque comme Eric Clapton, BB King, James Brown, Sting, Brian May ou encore U2 et leur chanson « Miss Sarajevo » écrite pour le ténor !

Rencontres artistiques surréalistes, ces concerts auront démocratisé l’Opéra auprès du grand public, tout en donnant lieu à des moments de musique exceptionnels au profit de causes humanitaires telles que la sauvegarde des enfants de Bosnie, du Liberia, du Guatemala, du Kosovo, du Cambodge, du Tibet, d’Afghanistan, d’Angola ou d’Irak.

Au début des années 90, cette aventure aura poussé l’artiste à s’associer à Plácido Domingo et José Carreras pour donner naissance aux célèbres Trois Ténors, montrant qu’au-delà de l’art, l’amitié était un moteur pour le « King of the High C’s » – José Carreras venait en effet de se remettre d’une leucémie qui l’avait poussé à interrompre sa carrière et Pavarotti souhaitait le relancer.

Ron Howard livre ainsi un documentaire surprenant et parfaitement balancé qui nous emmènera dans la vie et la carrière méconnues d’un des plus grands artistes du XXe siècle. Outre les qualités de reconstitution et de montage, Howard réussira brillamment à injecter une force et une énergie peu comparables à son film en jalonnant celui-ci des interprétations puissantes de Pavarotti sur des œuvres telles que Nessun Dorma, E Lucevan le stelle ou Vesti la Giubba.

L’histoire d’un artiste qui aura su transformer en pitrerie les maux et les pleurs, en une grimace les sanglots et la douleur ! [« Tramuta in lazzi lo spasmo ed il pianto ; In una smorfia il singhiozzo e ‘l dolor… » dans Vesti la Giubba, Pagliacci de Ruggero Leoncavallo].