Witches, une exploration du mythe de la sorcière

Albert Joseph Pénot, Départ pour le sabbat, 1910, Alamy banque d’image
Albert Joseph Pénot, Départ pour le sabbat (détail), 1910, Alamy banque d’image.

Conçue par la section culture de l’Université Libre de Bruxelles (ULB), l’exposition Witches présentée à l’Espace Vanderborght en plein centre-ville rassemble plus de 400 œuvres et objets évoquant les différentes aspects du mythe de la sorcière à travers les âges.

Qu’est-ce qu’une sorcière ?

L’exposition Witches est composée de quatre parties réparties sur deux étages. Plutôt qu’un parcours chronologique, elle propose plusieurs va-et-vient entre passé et présent autour de différentes thématiques liées au mythe de la sorcière. Sans fournir de définition univoque, le parcours explore les caractéristiques généralement attribuées aux sorcières qui en font des figures subversives. Celles-ci sont ainsi souvent représentées comme des femmes vieilles, vivant « sans hommes », ayant une sexualité débridée, et/ou entretenant des liens étroits et mystérieux avec la nature et les animaux.

Le point commun de ces représentations ? Elles font de la sorcière une femme qui bouscule les codes de genre établis, et donc… une féministe en puissance. La dimension féministe de la figure de la sorcière est au cœur de la première partie de l’exposition. Elle montre comment le mot « sorcière » mais aussi les symboles qui lui sont attachés sont fréquemment utilisés dans les manifestations de défense des droits des femmes depuis les années 1970.

Manifestation à Paris le 28 septembre 2017 (Photo by Thomas Samson / AFP)

De la persécution à l’émancipation

La deuxième partie de l’exposition propose un retour en arrière aux XV et XVIe siècles, alors que plusieurs pays européens sont le théâtre de grands procès en sorcellerie. Certains manuscrits exposés évoquent la conduite de ces procès et le contrôle exercé sur le corps des femmes à travers eux. L’un de ces procès concerne ainsi une femme du nom de Beethoven qui, accusée d’avoir jeté un sort à un cheval, aurait été brûlée vive sur la Grand-Place de Bruxelles.

Jacob Fröhlich, Ein schöner spruch Von zweyen Junckfrawen vom Adel zů Delden drey meyl von Deuenter verbrantt, 1545, gravure sur bois, impression couleur, Zurich Central Library, Prints and Drawings Department and Photo Archive
Jacob Fröhlich, Ein schöner spruch Von zweyen Junckfrawen vom Adel zů Delden drey meyl von Deuenter verbrantt (détail), 1545, gravure sur bois, impression couleur, Zurich Central Library, Prints and Drawings Department and Photo Archive.

La troisième partie de l’exposition s’intéresse aux représentations de sorcières à partir du XVIe siècle, du folklore populaire (costumes de carnavals…) aux œuvres des peintres symbolistes qui font de la sorcière une forme d’archétype féminin. L’ouvrage La Sorcière de Jules Michelet, publié en 1862, marque un tourant dans les représentations populaires. La sorcière devient une femme jeune et rebelle, symbole d’émancipation par rapport à l’Eglise et aux traditions.

La dernière partie de Witches, enfin, s’intéresse aux pratiques de sorcellerie et à la relation particulière des sorcières avec la nature. Grimoires et manuels sur l’utilisation des plantes, fioles,  poupées vaudous… des objets de tout type sont présentés et mis en relation avec des mouvements contemporains comme l’écoféminisme qui critiquent la science rationaliste moderne et revendique un certain retour aux remèdes traditionnels.

Poupée d’envoûtement en cire avec aiguilles,, MAS - Museum aan de Stroom, Anvers.
Poupée d’envoûtement en cire avec aiguilles,, MAS – Museum aan de Stroom, Anvers.

Des imaginaires multiples

Au sein de chaque partie, des œuvres d’artistes contemporain-e-s explorent les thématiques présentées et soulignent la persistance du mythe à travers les âges. Peintures, photographies et extraits de films viennent ainsi en écho aux représentations anciennes qui, déjà, sexualisaient à outrance le corps des femmes-sorcières pour mieux démontrer leur caractère « démoniaque » et dangereux.

Bettina Frenzel, Beth Stephens & Annie Sprinkle on stage in their show, Dirty Sexecology, performed at Kosmos Theater, Vienna, 2009 , Photo by Bettina Frenzel
Bettina Frenzel, Beth Stephens & Annie Sprinkle on stage in their show, Dirty Sexecology, performed at Kosmos Theater, Vienna, 2009 , Photo by Bettina Frenze.

Le lien avec la littérature merveilleuse est également présent tout au long de l’exposition, notamment à travers un parcours pour enfants qui met en avant des œuvres de littérature jeunesse. Diverses autres activités sont également prévues pour les familles, tels un jeu de piste et un espace pour dessiner.

Une exposition complémentaire au KBR Museum

Parallèlement à Witches, KBR Museum, situé à quelques minutes à pied de l’Espace Vanderborght, propose un « focus » sur les manuscrits dédiés aux sorcières. Issus de la prestigieuse bibliothèque des ducs de Bourgogne, ces ouvrages montrent que l’image des sorcières au Moyen Âge était très différente de celle qu’on imagine habituellement. Souvent présentées comme des femmes instruites, ces magiciennes ou « sorcières avant la lettre » sont à la fois l’objet de crainte et de fascination. On leur prête des pouvoirs de guérisseuses. Ce n’est qu’au XVe siècle que la véritable chasse aux sorcières commence et que les femmes accusées d’hérésie sont envoyées au bûcher.

Infos pratiques

  • Où ? Espace Vanderborght, Rue de l’écuyer 50, 1000 Bruxelles.
  • Quand ? Tous les jours sauf le mardi de 10 à 18h, du 27 octobre 2021 au 16 janvier 2022.
  • Combien ? 12 EUR au tarif plein. Plusieurs tarifs réduits
A propos Soraya Belghazi 378 Articles
Journaliste