11 Years of Residencies, l’expo anniversaire de la Fondation Carrefour des Arts

Gabrielle Lerch, autoportrait à l’anémone, 2021 (détail) © Be Culture.
Gabrielle Lerch, autoportrait à l’anémone, 2021 (détail) © Be Culture.

La Fondation Carrefour des Arts met en valeur le travail de jeunes talents. Pour fêter le 11e anniversaire de la fondation, la vacuité spacieuse de l’Espace Vanderborght accueille des artistes non pas liés par une thématique, mais par une mise en art singulière et des idées novatrices. L’expositon 11 Years of Residencies est donc l’occasion de voir une large palette de styles et d’orientations esthétiques dans un même lieu. Ce sont, au total, 36 griffes hétéroclites qui se déploient.

Transversalité spatiale

Laura Neve et Lola Meotti signent une trame curatoriale étudiée qui vient confronter le spectateur aux enjeux spatiaux de l’espace d’exposition. Pesanteur accidentée et matière souple se déploient dans les sculptures indolentes de Caroline Delaville dont les questionnements sur la représentation du corps soumis à des restrictions se retranscrivent de façon ludique. Mousse et tissus agrippent les présentoirs pour créer une tension verticale qui titille les lois de la pesanteur.

Nicolas Gutierrez Muños se sert quant à lui de matériaux de récupération qu’il retravaille à peine, s’amusant de la valeur aléatoire que nous donnons aux objets muséaux. Un lourd panneau de béton est posé sous l’encadrement d’une fenêtre qui semble sortie d’une fouille archéologique. Non sans ironie, ces sculptures brutes constituent une critique du capitalisme et se posent en vestige d’une civilisation d’abondance qui a perdu le contact avec la matière. Les céramiques organiques d’Irina Favero-Longo transgressent les codes de présentation, habillant la surface murale d’un érotisme délicat. Ces fines moulures de couleur chaire convoquent nos pulsions tactiles autant que le dialogique cadre/hors-cadre.

Pan d’un réel halluciné

Différentes fenêtres s’ouvrent sur le chemin du visiteur, notamment à travers le médium du dessin qui révèle des personnalités graphiques étendues. Le fusain de Laurent Dumortier, dont l’atmosphère hitchcockienne nous fait pénétrer dans un mauvais rêve, ramène le spectateur à sa condition de voyeur et projette une danse noctambule dans le cadre fragmenté. Toujours dans une atmosphère sombre, Camille Dufour grave une vision urbaine apocalyptique en invitant les animaux à se joindre à une érosion tant de la matière que du support que la gravure vient mutiler. Léa Beloousovitch dévoile les pans d’une réalité écliptique où la douceur du médium – du feutre aux couleurs pâles – contraste avec la violence du propos, laissant émerger une sensation plus qu’un message politique. Le trouble de la perception vient transmuter avec le trouble de l’intention.

Léa Beloousovitch processions, 2021 © Be Culture.
Léa Beloousovitch, Processions, 2021 © Be Culture.

Gestualité esthétique

La gestuelle imprègne chacune des pièces exposée dans 11 Years of Residencies. Elle rend compte de la procédure artistique. Pierre Mauricot  esquisse une corporalité éclatée grâce à un usage du fusain diffus qui épouse les mouvements aléatoires du corps de son modèle dans une série englobant l’horizontalité murale. Robin Wen opère également par séries, presque à la manière d’un bédéaste hyperréaliste. Son stylo-bille habille les photos capturées en free party d’un trait fantomatique générant au papier à croquis des airs de pellicule. Cette procédure sérielle est aussi présente dans l’installation de Valentin Capony qui utilise pour ses impressions le papier japonais le plus fin qu’il existe (5g). Les remous du spectateur viennent déranger l’immobilité de la structure sensible au moindre souffle d’air. Le geste qui imprègne la matière insuffle une pantomime tangible à l’ensemble, car c’est à partir de gestes ouvriers que l’artiste compose.

Camille Dufour, Eaux Anonymes, 2022 © Be Culture.
Camille Dufour, Eaux Anonymes, 2022 © Be Culture.

Mouvance esthétique et ambivalence de points de vue composent cette exposition généreuse en idées. Nos yeux bifurquent à travers ce dense cabinet de curiosités, illustré par l’œuvre d’Hadrien Bruaux, des scénettes théâtrales de Paul Gérard à la Forêt de Soignes surnaturelle de Théo Brechet. La richesse du parcours artistique est mise en valeur par une scénographie pertinente et des pièces dont le caractère personnel résonne. La notion de mise en espace et d’occupation du corps dans des limites données semble être un des leitmotivs invitant à une lecture transversale de l’art. La volonté de la Fondation Carrefour des Arts est bien d’offrir un tremplin artistique pour nourrir la création de démarches émergentes.

Paul Gérard, Impasse de la fidelité, 2019 © Be Culture.
Paul Gérard, Impasse de la fidelité, 2019 © Be Culture.

Infos pratiques

  • Où ? Espace Vanderborght, 50 rue de l’Ecuyer, 1000 Bruxelles.
  • Quand ? Du 9 au 27 novembre 2022, du mercredi au dimanche de 12h à 18h.
  • Combien ? Gratuit.