WAW (We are Woman) ou comment explorer la femme à travers l’homme

De la Compagnie Thorchorégraphie de Thierry Smits avec Linton Aberle, Ruben Brown, Davide Guarino, Michal Adam Goral, Gustavo Monteiro, Oskari  Nyyssölä, Emeric Rabot, Nelson Reguera Perez, Oliver Tida Tida, Eduard Turull, et Duarte Valadares. Du 29 mai au 16 juin 2018 au Varia. Crédit photo : Hichem Dahes

Explorer la féminité à travers une troupe de danseurs exclusivement composée d’hommes… Et pourquoi pas ? Le spectacle du chorégraphe flamand Thierry Smits offre une réflexion à la fois ludique et profonde sur la femme qui est en nous.

Sur scène, onze danseurs. Des corps musclés et virils. Des joueurs de foot qui célèbrent leur victoire. Avant d’entamer son exploration de la féminité, We are woman (WAW) joue avec les clichés masculins pour mieux souligner l’importance du corps dans le « devenir femme », ce concept développé par le philosophe français Gilles Deleuze (1925-1995) qui voit la féminité comme un processus de différentiation imposant un repositionnement permanent à la fois des hommes et des femmes.

Ce processus démarre ici dans les vestiaires, alors que les hommes se dévêtissent, révélant progressivement leur côté vulnérable, sensible et sensuel, s’autorisant à pleurer de tristesse plutôt que de rage, à exprimer leur compassion à travers des gestes tendres, ou encore à domestiquer leur corps à travers le maquillage ou l’épilation. Malgré l’usage de costumes féminins très colorés, l’habillement ne joue pas ici un rôle essentiel et Smits parvient à éviter l’effet drag queen grâce à un jeu subtil sur la transformation des corps à travers les attitudes et les postures, permettant à chaque danseur de développer « la femme qui est en lui » de manière unique et personnelle.

Cette diversité des parcours donne lieu à une mise en scène très dynamique, à la fois hétéroclite et cohérente, avec une évolution progressive alternant entre humour et drame, évoquant tour à tour la domesticité, la sexualité, la maternité, la séduction, la prise en charge des autres, le harcèlement de rue (avec un clin d’œil au mouvement #balancetonporc), et enfin une forme d’émancipation jubilatoire à travers la scène finale évoquant un sabbat de sorcières – une figure mythique présentée ici de manière positive, comme une transgression et une libération du féminin.

Si certaines scènes se rapprochent du théâtre voire de la comédie musicale (quelques chansons sont interprétées par les danseurs et s’inscrivent de manière assez fluide dans l’ambiance musicale contemporaine du spectacle), WAW ne cherche pas pour autant à imposer un message ou une vision particulière de la féminité. Il s’agit plutôt d’une célébration de la diversité des sexes, illustrant de manière subjective mais très convaincante l’idée popularisée par Judith Butler que le genre est avant tout une « performance », une façon d’agir qui nous permet de trouver notre place dans une société aux conceptions binaires qui méritent parfois d’être renversées.

Une table ronde autour du spectacle WAW avec pour titre « De vrais mecs ? Être un homme aujourd’hui » aura lieu à l’issue de la représentation du mercredi 6 juin. La discussion sera modérée par David Paternotte, chargé de cours en sociologie à l’Université Libre de Bruxelles (ULB).

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