(Victor) Frankenstein revient sur table !

Mise en scène de Karine Biergé, avec Cyril Briant et Marie Delhaye, ainsi que Virginie Léonard au chant et Kévin Navas au piano. Du 7 au 12 mai 2019 aux Ateliers de Monnaie. Crédit photo : M-F Plissart

La compagnie Karyatides nous offre une nouvelle adaptation du roman de Mary Shelley sous une nouvelle forme théâtrale, mêlant jeu d’acteurs et jeu d’objets dans un décors apprivoisant et charmant. Dès le début, nous sommes plongés dans la solitude du docteur Frankenstein, tantôt joué par Marie Dalhaye, tantôt par Cyril Briant, qui ouvre le récit en enregistrant son testament avec la mise en garde : « Ne vous approchez pas du feu ». Ainsi, nous retrouvons l’histoire du jeune Victor, un enfant avide de découvertes et d’aventures qui, ayant grandi dans une ambiance familiale joyeuse aux côtés de sa sœur adoptive Elisabeth, se retrouve soudain bouleversé par le décès de sa mère. Cette déchirure se transforme en obsession lorsque Victor Frankenstein entreprend de nombreuses recherches scientifiques dans le but d’anéantir la mort à tout prix, en défiant les lois de la nature. Ses expériences le mènent à donner la vie à un cadavre, une créature d’apparence hideuse.  Pris d’effroi, Victor prend la fuite face à des conséquences qui le dépassent. 

A partir de là, le personnage que nous connaissons sous le nom du « monstre de Frankenstein » raconte son propre désarroi, son angoisse par rapport au monde qu’il doit affronter tout seul. Rejeté et chassé pour sa laideur, il se met à la recherche de son créateur. Alors que celui-ci le rejette à nouveau et le moque, le monstre répond alors par la haine et la violence.

Au fur et à mesure que l’histoire est racontée par les deux voix des comédiens, nous sommes envoûtés par les différentes figurines qui défilent sur la table au milieu de la scène. Les statues, les poupée, les petits bustes et les marionnettes prennent vie et nous transportent dans un univers imaginaire coloré  par le chant mélancolique et inquiet du fantôme de la mère de Victor. Nombreuses sont les émotions suscitées lorsque nous cheminons avec Victor et sa créature dans ce que nous pourrions appeler une descente aux enfers. Cependant, tandis que le roman d’origine pousse le lecteur à remettre en question cette ambition humaine de pouvoir faire tout ce que l’on veut, ayant comme excuse l’avancée des sciences, ce nouveau spectacle semble plutôt promouvoir le jeu avec le feu et nous faire dire le contraire de Mary Shelley. En effet le Victor du spectacle efface sa mise en garde précédente pour laisser un message différent : « Approchez-vous du feu » en ajoutant qu’il laisse tous ses plans à disposition de ceux qui voudraient poursuivre son œuvre, mais en faisant preuve d’une meilleure gestion que lui. Toute l’histoire semble alors prendre une autre orientation. 

Pourtant sommes nous réellement capables de gérer les conséquences de nos ambitions technologiques ? En explicitant qu’il n’y a pas de lois divines, et en moquant l’Eglise catholique par de petits clichés tout au long du spectacle, on pourrait se demander si la pièce de théâtre a voulu exprimer les mêmes interrogations que l’auteur original ou plutôt instrumentaliser l’oeuvre pour s’inscrire dans la tendance idéologique actuelle : tout se vaut, tout est permis et il n’y a pas de limites.

Néanmoins le pièce de théâtre est très agréable, avec un dispositif scénique très original et un jeu d’acteurs remarquable tant dans l’humour que dans l’intensité des émotions.

A propos Donata Vilardi 25 Articles
Journaliste du Suricate Magazine