Une vie cachée, le paradoxe de la pureté

Une vie cachée
de Terrence Malick
Drame
Avec August Diehl, Valerie Pachner, Maria Simon, Karin Neuhäuser, Tobias Moretti
Sorti le 5 février 2020

Présenté au Festival de Cannes en mai dernier, le dernier film de Terrence Malick était a priori vendu comme le retour de l’auteur de La Ligne rouge et de The Tree of Life à un style narratif plus classique, loin de ses derniers essais, de plus en plus épurés et déstructurés (Knight of Cups, Voyage of Time, Song to Song). Si Une vie cachée est en effet plus narratif et linéaire que ces trois derniers films, il n’en reste pas moins ancré visuellement et thématiquement dans le cinéma de Malick tel qu’il se conçoit actuellement, avec en tête toutes ses dernières expérimentations.

Pourtant, pour qui aurait suivi l’auteur dans son chemin stylistique et sa recherche d’épure, le présent film peut apparaître comme assez déconcertant, notamment parce qu’il semble accorder la recherche de pureté de ce cinéma-là avec celle de son personnage principal (Franz Jägerstätter, qui, durant la Seconde Guerre, refusa jusqu’à son dernier souffle de prêter allégeance à Hitler, se condamnant ainsi lui-même à mort), le tout dans un élan de grandiloquence formelle parfois pesante.

On sait que la caméra et le montage de Malick tendent à une certaine forme de lyrisme. Et si, dans le cas présent, il parvient presque à contredire ceux qui l’accuseraient de filmer de haut – du point de vue de Dieu –, en utilisant constamment la contre-plongée et la caméra au sol, rampant et se faufilant aux pieds des personnages, le cinéaste ne résiste pas à verser dans la sanctification pure et simple de son personnage principal, apportant par là-même une sorte de pompiérisme dans le récit.

En sacralisant ainsi l’histoire de Jägerstätter et en livrant ni plus ni moins qu’une vie de saint, à grand renforts d’images d’Epinal et d’habillage « grandiose » – le grand angle, la musique classique et religieuse, etc. –, Malick en vient à aller contre ce qui semble pourtant être le projet du film, synthétisé par le titre, à savoir révéler une vie cachée, raconter le destin hors-normes d’un anonyme. Ce film trop grand, trop lourd, trop insistant dans son exercice pieux de sanctification, incarne de manière symptomatique le paradoxe d’un cinéaste qui tente d’allier le sacré à l’intime, aboutissant parfois à des résultats fragiles mais fascinants et, dans le cas d’Une vie cachée, à un faux chef-d’œuvre boursouflé.