Une semaine au Festival OFF d’Avignon : Quatrième jour

Le Festival OFF d’Avignon accueille chaque année plus de 1500 spectacles dans les divers théâtres permanents et surtout éphémères qui s’installent dans le centre ville entièrement consacré au spectacle. Au milieu de ces nombreux spectacles, il est toujours difficile de faire un choix et la sélection se base souvent sur divers critères moyennement objectifs : une affiche dans la rue qui intrigue, une page au hasard prise dans le programme (véritable bottin téléphonique de pièces), un flyers donné par la troupe déambulant dans la rue ou plus simplement les sujets qui nous attirent le plus. Parfois ça paye mais tout n’est pas magique à Avignon et malgré la volonté de faire les meilleurs choix, on n’évite pas les mauvaises rencontres. Avec un peu de hasard et de chance, nous avons donc vogué de théâtres en théâtres. Retrouvez dans nos pages, le compte-rendu de nos aventures.

Grou ! à 15h au Théâtre des Doms

Le Théâtre des Doms est notre rendez-vous annuel au Festival d’Avignon. Tout d’abord parce qu’il est toujours agréable de visiter un petit bout de Belgique dans la cité des Papes et ensuite il est maintenant de tradition de découvrir une petite pépite que l’on a pas pu voir dans notre pays (Silence, Manges tes ronces, Bon débarras). La cuvée 2019 s’appelle Grou !, l’histoire d’un jeune garçon qui souhaite pour son anniversaire de grandir plus vite. Surgit alors un homme de cro-magnon qui va l’emmener vers de multiples voyages dans l’histoire. Grou ! est un véritable spectacle d’aventure où les deux acteurs utilisent un décor fantastique pour arriver à leurs fins, ils montent sur les tables, sortent des placards et du four et traversent le moyen-âge, l’égypte antique, la guerre ou vont même sur la lune. Grou ! est à voir absolument si vous passez en Avignon.

Notes :

Loïc Smars : 10/10

Christophe Mitrugno : 8/10

L’Avare à 17h50 à la Fabrik Théâtre

Voulant découvrir un classique, on se tourne vers L’avare de Molière. Mais au Fabrik Théâtre, cette version ne sera pas classique. Elle mélange théâtre de masque, cirque, acrobaties, musique et bien sûr le célèbre texte de Molière. Au milieu d’une structure métallique étonnante et affublé de costumes et masques hauts en couleurs, les comédiens virevoltent dans tous les sens et font découvrir de manière originale les mots de l’auteur. On est peut-être juste étonné de certains choix de casting, comme par exemple voir le doyen de la troupe interpréter le fils d’Harpagon. Malgré tout, cette Avare est à découvrir par ceux qui veulent bouleverser l’image qu’ils ont de leurs classiques, ça risquerait même de leur faire aimer à nouveau.

Notes : 

Loïc Smars : 7/10

Le dernier cèdre du Liban à 18h35 au Théâtre des Lucioles

Une fille placée en Centre d’Education Fermée vient d’apprendre que sa mère biologique qu’elle n’a jamais connue vient de décéder. Elle reçoit en héritage une boîte contenant des cassettes. Sa mère était reporter de guerre et a préféré rester confronter au danger de son métier plutôt que d’élever sa fille. Par des enregistrements, elle va transmettre tout ce qu’elle vit. Nous sommes ainsi emporter dans le récit de cette femme forte et de sa fille qui tente de comprendre d’où lui vient sa colère continuelle. Anna Duval (Magali Genoud) rencontre lors d’un voyage un homme (Azeddine Benamara). Une histoire d’une nuit et pourtant leurs chemins vont continuer de se croiser. Un amour au milieu de la guerre du Liban qui donnera naissance à Eva. Les personnages et les lieux s’enchaînent dans une course folle au milieu de cette énigme de vie. Une beauté fulgurante tant par la poésie de l’histoire, de la mise en scène et des jeux de lumières que par la puissance du texte. Magali Genoud est d’une justesse tendre et Azeddine Benamara jongle avec une palette théâtrale tellement riche qu’aucun de ses personnages ne se ressemblent. Tout est présent pour en sortir chamboulé, les yeux humides et le coeur serré.

Notes :

Christophe Mitrugno : 10/10

A voix haute à 20h30 au Théâtre des Amants

Il fallait bien ce concert pour atterrir de la pièce précédente. Maïtagari et ses musiciens (Pierre Petitjean et Manu Tovsky) nous offrent un pur plaisir auditif. Sur une musique électro, la charmante voix de Maïtagari voyage sur de très beaux textes liants poésie et amour. Le rythme est donné par des sons gutturaux répétitifs et autres variations de voix. Le public se laisse balader dans l’univers de ce groupe sans aucune difficulté. En plus de la beauté de certaines chansons, on y découvre de l’humour et du cynisme. Avec en prime son dernier tube de l’été rappelant que la télévision n’est plus un loisir mais une voix qui décide de notre sort. A découvrir sans plus attendre dans cette petite salle où le public est directement en tête-à-tête avec les musiciens.

Notes :

Christophe Mitrugno : 8/10

La Grande Petite Mireille à 20h30 au Essaïon-Avignon

Après un nouvel échec d’un spectacle complet, la flemme nous pousse à ne pas aller trop loin pour le spectacle suivant. Sur le trottoir de droite, on aperçoit cette affiche énigmatique. Mais qui est cette fameuse Mireille ? Mais c’est bien sûr, c’est cette femme qui en présentant Le Petit Conservatoire de la chanson a permit de découvrir une flopée d’artistes comme Yves Duteil, Michel Berger, Françoise Hardy, etc. ! Les deux comédiens et l’actrice principale vont d’ailleurs prendre pour mission de vous faire découvrir toutes ces autres facettes. Compositrice et chanteuse de talent, elle a aussi signé plusieurs tubes, travailler outre-manche ou simplement révolutionné la chanson française en la modernisant, en créant les premières pochettes de disques illustrées, etc. Les trois interprètes vont réussir leur pari : tenir en haleine pendant 1h20 un public pas spécialement connaisseur de cette grande petite dame. (bémol tout de même : arrêtez de prendre l’accent bruxellois pour illustrer tous les belges)

Notes :

Loïc Smars : 7/10

Les Contes coquins à 22h10 au Théâtre des Remparts

La belge Sophie Didier est de retour à Avignon avec ses Contes Coquins, cette fois au Théâtre des Remparts. En corset et boa rouge et noir, la conteuse arrive dans le dos du public et distille déjà ici et là de petites touches d’érotisme avant de rejoindre sur scène Raphaël, son pianiste. Debout ou assise sur une chaise haute, elle va nous emmener pendant une heure au travers de contes qui ne sont pas pour les enfants. Connaissez-vous la vérité derrière Le Petit Chaperon Rouge ? Irez-vous glissez votre oeil dans la serrure de la porte et découvrir ce que font les prêtes avec leurs fidèles ? Une idée de ce qu’est le fruit défendu ? Sophie Didier captive et n’hésite pas à jouer avec un public survolté au vu de l’heure et du sujet (parfois trop ?). Une très bonne manière de terminer sa soirée en beauté.

Notes : 

Loïc Smars : 7/10

La convivialité à 22h15 au Chapeau d’ébène théâtre

Finissons la journée par une conférence particulière. Arnaud Hoedt et Jérôme Piron l’annoncent directement, ils ne sont pas comédiens. L’un est professeur de religion et l’autre de français. Ils veulent nous expliquer un sujet qui les perturbe terriblement, voire qui pose une grande question. L’importance de l’orthographe. Pour bien comprendre leurs idées, ils revoient avec nous les bases de la langue française. Quelques retours historiques pour mieux comprendre certains mots et d’autres subtilités qui ne disposent d’aucune réelle explication. Ils défendent leur opinion orthographique comme on brandirait un drapeau de révolution et ils ne se privent pas de demander l’avis du public. Celui-ci est prisonnier de leurs arguments et en vient même à revoir ses convictions sur l’importance de certaines lettres muettes ou inutiles que l’on peut retrouver dans nos dictionnaires. Mais à quel dictionnaire peut-on se fier ? Une part du public ressortira endoctriné par leurs paroles, d’autres poursuivrons la réflexion avec les deux conférenciers après le spectacle, tandis que l’on enverra un essémesse à nos amis pour leur dire « Vazy, ces tro bien come spectakle ! ».

Notes :

Christophe Mitrugno : 7/10

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Fondateur et rédacteur en chef du Suricate Magazine