« Une année difficile », de la nécessité du dialogue et de la mollesse de la modération

Une année difficile
d’Eric Toledano et Olivier Nakache
Comédie
Avec Pio Marmaï, Jonathan Cohen, Mathieu Amalric
Sortie le 27 septembre 2023

Faire de la comédie utile et bienveillante, du cinéma à la fois social et divertissant, tel semble être le crédo du duo de réalisateurs Toledano-Nakache. Un équilibre à priori difficile à trouver tant la majorité des comédies n’ont de fonction sociale que celle de nourrir des intermittents du spectacle et tant une bonne partie du cinéma engagé se veut d’un sérieux sans failles et sans reproches. Ainsi la comédie sociale, si on peut l’appeler ainsi, est un genre bâtard qui sera navrant de bonnes intentions pour les plus militants et restera une propagande bobo-écolo-wokiste pour les plus réactionnaires. Samba, Hors normes, Intouchables et maintenant Une année difficile, malgré des succès divers, Éric Toledano et Olivier Nakache ne lâche jamais la recette qui a fait naître leur succès.

Cependant cette fois, les lignes ont un peu bougé. Dans un premier temps, les réalisateurs reviennent à de la comédie pure qu’ils avaient délaissée depuis Le Sens de la fête (2017), bien que prêtant à sourire Hors normes et les deux saisons d’En thérapie n’en étaient pas vraiment. Mais c’est surtout au niveau de l’écriture des personnages qu’une petite révolution s’opère. Fini les personnages parfaits aux ambitions saines, fini les vrais gentils. Évidemment, Albert et Bruno sont traités avec douceur et bien que leur volonté et leurs objectifs soient délétères et en partie immoraux, on les comprend. Face à eux, pas non plus de personnages sauveurs aux intentions nobles, mais une frange radicale écologiste de laquelle les deux quadragénaires surendettés vont profiter.  Tous sont moqués, aussi bien les cyniques protagonistes que les naïfs, voire risibles, militants.

Ainsi, tout le monde en prenant pour son grade, tout un chacun est capable de s’identifier à un camp, embrassant les reproches fait à l’autre. C’est ce qui fait d’Une année difficile un film, sans doute, plus utile qu’un simple feel-good movie. Ici, personne n’a complètement raison et personne n’a complètement tort. Aucun parti n’étant mis sur un piédestal, on ne cherche pas à prêcher des convaincus ou à faire naître un électrochoc par un discours radical. Au contraire, on cherche un point d’entente, à faire un pas l’un vers l’autre. On cherche à démontrer que la tolérance (et non pas l’adhésion) permet la convergence des luttes et que tout renversement ne peut passer que par l’union.

Reste une fin de film assez intrigante qui dénote par sa candeur et son ingénuité. Pouvant être taxée de niaise, cette conclusion nous transporte dans un Paris en confinement où tout est bien qui finit bien. Mais cette fin est-elle vraiment à lire au premier degré ? Ou doit-on y déceler un certain cynisme, philosophie omniprésente chez les protagonistes, une fin ironique à l’image de celle de Blue Velvet (1986) ? Ce pourrait-il que cet épilogue en mascarade soit en réalité une dénonciation ? Celle des beaux engagements des gouvernements mondiaux et plus particulièrement du « Monde d’après » vendu par les dirigeants français. Est-ce que cette fin un peu trop jolie n’est pas à l’image de promesses un peu trop belles ? Et puisque le « Monde d’après » n’était en fait qu’une vaste comédie, se pourrait-il qu’il en soit de même ici ?