La nouvelle exposition au Pavillon de Namur nous ouvre, une nouvelle fois, les portes d’un univers détonant et complexe. Les artistes berlinois Niklas Roy, Kati Hyppä et leurs collaborateurs designer-maker viennent titiller l’architecture design et sophistiquée de leur esprit déjanté. Ce détournement scénographique et matériel, étalé sur seulement cinq semaines, est aussi fulgurant que les mécanismes des œuvres présentées transformant l’espace d’exposition en un laboratoire vivant.
Work in progress
Dès que l’on passe le pas de la porte indiquant une déviation, ça bouge et ça fait du bruit, les canaux créatifs font vibrer le bâtiment épuré d’un mouvement en constante effusion. Les éléments plastiques et les outils de fabrication se meuvent comme des entités vivantes rentrant en dialogue les unes avec les autres. Désorganisée, ingénieuses et malicieuses, les productions artistiques clignotent dans l’esprit du jeu vidéo et évoluent dans celui de l’atelier fablab ; papiers, crayons, bois, écrans colorés transforment le pavillon en une fête foraine singulière. Elles troublent notre relation à l’architecture et à la matière en ne cessant de s’agiter selon des processus aussi précis qu’imprévisibles. Ces composites d’actions éphémères opèrent des points de jonction improbables avec par exemple une piscine à balle activable ou un distributeur de carte postale à la photogénie aquatique. Ce bric-à-brac étonnera autant les mélomanes que les ingénieurs de pointe par son potentiel multidirectionnel.
Auto-créativité
Le parcours du spectateur ne s’en voit pas accidenté, mais rodé par des systèmes structurels qui l’invite à participer. Interactives, les œuvres ne s’activent qu’avec l’action du public et, ainsi, ne nous cantonnent pas au simple rôle de regardeur. Electronic Instant Camera Niklas Roy nous permet d’imprimer un selfie façon code-barre : placé sur une chaise pendant trois minutes, notre portrait s’affiche sur un ticket de caisse. PLEASE, LEAVE A MESSAGE est une machine permettant d’écrire un message positif à l’aide d’un stylo traceur l’Aritma Colorgraf, quand INSTANT ART CAREER nous glisse dans la peau d’un artiste professionnel pour quelques minutes. Le caractère hasardeux du cheminement est associé à l’individualité du geste et fait du parcours curatorial un moment unique. Autant de moyens originaux d’exprimer notre pouvoir créatif et de le faire communiquer avec d’autres talents.
Réflexions plastiques
Les dépotoirs d’objets jonchant le sol rappellent qu’il s’agit d’un chantier artistique plus qu’un rendu de résidence arrivé à terme. Avec Office Job, Félix Fisgus présente un ordinateur constitué en parti de carton au format surdimensionné : la souris et le système évoquent des prototypes anciens d’Apple et de Microsoft Office ; à l’épuration et là l’ergonomie il préfère une machine surdimensionnée qui nous propose d’écarter les proxys de la manière la plus rapide possible. Le prisme de l’utilité et de la netteté matérielle se trouve bouleversé nous impliquant physiquement dans leur incongruité, les structures nous amènent à réfléchir aux mécanismes mis à l’œuvre et aux processus de fabrication. Ainsi il ne s’agit pas d’une simple activité ludique réactivant notre esprit d’enfant, il y a derrière une réflexion sur les affects qui se rattachent aux objets, ustensiles et aux nouvelles technologies.
La magie technique et invisible du système capitaliste est ici controversée préférant un mode de présentation transparent et participatif ; dans cet univers loufoque nous pouvons observer les logiques d’interaction entre les éléments. La mécanique n’est pas obsolète, elle est conçue pour être repensée le plus longtemps possible et marque son passage d’un éclair créatif. Ce Luna parc alternatif est fabriqué en matériaux recyclables, soulignant que l’écologie n’exclue pas la complexité technique.
- Où ? Pavillon de Namur, route Merveilleuse 65, 5000 Namur, Belgique
- Quand ? Du 1er juillet au 06 août 2023
- Combien ? 10€ ,5€, différents tarifs réduits possibles
