Un loup pour l’homme : lorsque le paraître dévore l’être

Ecrit et mis en scène par Violette Pallaro, avec Gael Soudron, Olivier Bonnaud, Lara Persain et Magali Pinglaut Du 10 au 20 décembre 2019 au Théâtre National.

L’imaginaire. Il est si vaste et pourtant, chacun de nous le possède en soi. Notre imagination nous contente, nous rassure, nous rend heureux mais, jusqu’à quel point peut-on la pousser sans franchir les limites de la vérité ? Face à une société dont nous souhaitons l’amour et les louanges, que sommes-nous prêts à croire et à faire croire ? Ce sont ces questions que nous explorons aujourd’hui aux côtés des quatre acteurs d’Un loup pour l’homme, mais également celle de savoir où est la limite entre ce que nous sommes et ce que nous laissons paraître.

Le public pénètre dans une salle où un décor réaliste et pourtant à la limite du fantasmagorique l’attend. Une forêt sombre et peu accueillante se monte devant ses yeux avant que les acteurs, brisant ainsi officiellement le quatrième mur, ne s’adressent à lui. Cependant, bien que les changements de costume soient exposés à nos yeux et que les scènes s’enchaînent en se fondant presque les unes à la suite des autres, les différentes histoires que nous découvrons ne nous sont pas contées, mais bel et bien jouées, laissant chacune sa marque, par l’oubli d’un objet, au cœur de cette forêt qui nous semble représenter le cœur même de la vie, l’objet abandonné symbolisant alors la marque que chacun de nous est un jour amené à y laisser, qu’il soit remarquable ou non.

Entre l’étrange et l’absurde, nous ne savons que penser. Alors qu’un rire nous échappe, voilà que nous perdons soudain l’envie de sourire. Ce qui se déroule face à nous nous emmène, avec un certain humour, au coeur d’épisodes de vie de différents personnages que nos acteurs investissent les uns après les autres avec aisance. Dans chacune de ces histoires, l’Homme semble atteindre les limites de son paraître, tentant parfois de garder sa contenance dans une situation difficile, parfois de gagner la reconnaissance, par la force s’il le faut, parfois d’extraire une vérité qui n’appartient pas à l’autre mais seulement à lui même, ou parfois encore d’entraîner les autres dans ses idées du paraître idéal. Toutefois, si ces histoires peuvent nous sembler irréelles, toutes ne le sont pas. Parmi elles se cachent des vérités que nous ne soupçonnons pas. Bien que nous puissions déplorer le manque de clarté face à ces vérités cachées, le fait qu’elles existent nous ramène à la réalité et nous rappelle que parfois, notre propre imaginaire et notre volonté d’être pour l’autre ce que nous pensons devoir être peut nous faire du tort. C’est en cela que l’Homme peut devenir un loup pour l’Homme.

Un Loup pour l’homme est une pièce qui comporte un message fort bien que pas toujours compréhensible pour un public non averti. Pourtant, les questionnements qu’elle entraîne sont agréables à vivre, loin d’être pesants. L’ambiance de la pièce, grâce à ses touches d’humour, nous rappelle que tout peut être risible et que ce que l’on est n’importe réellement qu’à nous-même. Nous prenons alors le parti de croire que si le paraître dépend de la personne à laquelle nous nous adressons, l’être n’appartiendra jamais qu’à son détenteur. Par ailleurs, si une chose nous a marqué lors de cette pièce, c’est l’histoire de l’enfant qui ramène un loup chez lui, loup qui grandit, encore et encore, jusqu’à prendre la place de l’enfant et à le dévorer si celui-ci tente de s’enfuir. Cette image nous semble représenter chaque part de noirceur qui peut être en nous et nous dévorer si nous n’y prenons pas garde. Toutefois, cette histoire semble également nous délivrer un message d’espoir, car nous pouvons aussi croire que l’enfant continuera de chanter à travers la voix du loup, n’abandonnant pas son être à la noirceur de son paraître. Et qui sait, si tous les enfants continuent de chanter, peut-être cela fera-t-il disparaître tous les loups.