« Un chant pour les disparus », une magnifique histoire qui entremêle passé et présent

Titre : Un chant pour les disparus
Auteur : Pierre Jarawan
Editions : Héloïse d’Ormesson
Date de parution : 11 mars 2021
Genre : Roman

Amin n’a que quelques mois quand ses parents trouvent la mort. Yara, sa grand-mère maternelle, prend alors la décision de quitter le Liban pour vivre en Allemagne avec lui. Ce n’est qu’aux portes de l’adolescence d’Amin qu’ils reviennent tous les deux se réinstaller à Beyrouth après la guerre. Le jeune homme vit sa vie entre l’école, le café artistique de Yara qui ne désemplit pas d’artistes exilés, son meilleur ami Jafar avec qui il fait les 400 coups et un petit job au Musée national. On est en 1994.

En 2006, on suit le même Amin, jeune adulte, qui observe les soldats syriens quitter le territoire, le Liban étant désormais délivré de la tutelle syrienne. Yara est maintenant décédée, et cela fait un an qu’ils ne s’étaient plus parlés.

Qu’a-t-il bien pu se passer entre eux pour que leurs liens forts se soient rompus ? Pourquoi avoir quitté le Liban pendant treize ans pour finir par y revenir ?

L’auteur parvient à nous tenir en haleine en dévoilant par toutes petites touches les réponses aux interrogations qui constellent le récit. Tout comme Yara, très secrète, qui au fil du temps révèle parcimonieusement des éléments de sa vie à son petit-fils.

Cette double temporalité permet de mieux appréhender l’histoire du Liban. En 1994, Beyrouth est en pleine reconstruction. Jonchée d’une part de bâtiments en ruines devenus le terrain de jeu des enfants et d’autre part, de nouvelles constructions sans identité, ornées de couches de publicités pour des produits de luxe, comme pour éclipser les histoires anciennes et la tradition. Et puis en 2006, période complexe entre Libanais pro et anti-Syriens. En somme, un roman qui se penche tout en subtilité sur l’identité tant d’un homme à la recherche de ses racines que de tout un pays.

Petit conseil, lancez-vous dans Un chant pour les disparus si vous avez une période calme prévue au planning. Le phrasé, beau et délicat, exige que le lecteur prenne son temps, quitte à relire certaines lignes tellement la langue est enchanteresse. Promis, juré, craché, ce terme n’est pas galvaudé ! Pierre Jarawan est un véritable conteur d’histoires qui nous transporte sur les terres libanaises, dans des récits d’exils pour le meilleur ou le pire et on se laisserait bercer par sa voix si on le pouvait. En attendant, il nous reste nos yeux pour s’imprégner de cette beauté dramatique.