« The Good Girls », un hommage à toutes les femmes victimes de violence

Titre : The Good Girls
Autrice : Sonia Faleiro
Editions : Marchialy
Date de parution : 16 mars 2022
Genre : Roman

La photo sordide de ce fait divers qui s’est déroulé en Inde en 2014 a fait le tour du monde : deux jeunes filles, mortes, sont pendues à un arbre entouré par une foule aux habits bigarrés.

Sonia Faleiro, Indienne elle aussi, a décidé de prendre la plume pour dénoncer et peut-être essayer de faire bouger les choses dans son pays natal.

Elle nous raconte l’histoire de Padma et de sa cousine Lalli (noms d’emprunt), deux adolescentes vivant à Katra, une ville très pauvre de l’Etat le plus peuplé de l’Inde. L’éducation des filles étant très stricte, elles ne sont pas libres de faire ce qu’elles veulent ni de sortir comme elles l’entendent. La seule sortie qui leur est autorisée est d’aller faire leurs besoins au bout des champs situés derrière les habitations. Un soir, les cousines ne sont jamais revenues des champs. Quelques heures plus tard, leurs corps ont été retrouvés pendus à un manguier. Pour les parents, il ne peut s’agir que d’un meurtre.

Les cadavres des jeunes filles sont restés accrochés à l’arbre des jours durant pendant lesquels ces photos insoutenables ont été prises et diffusées. Pourquoi diable a-t-on laissé ces pauvres filles pendues ?? Les parents avaient deux raisons : d’une part pour faire parler de cette affaire afin de mettre la pression sur les autorités et d’autre part, pour éviter que la police altère ou réduise les indices à néant.

L’autrice prend comme point de départ cette tragédie pour dénoncer les problèmes institutionnels et sociologiques fortement ancrés en Inde. On a trouvé cette analyse tellement intéressante, que l’on va essayer de vous exposer brièvement les obstacles que rencontre cet énorme pays en essayant de ne pas être trop académique. Et si ça l’est, toutes nos excuses !

Commençons par la police. Bénéficiant de peu de moyens financiers et humains face à une population en constante augmentation, de nombreux dossiers sont bâclés, voire jetés aux oubliettes. Dans ce contexte, les pots-de-vin sont monnaie courante et la corruption finit par gangrener le système judiciaire. C’est ce qui a poussé les parents de Padma et Lalli à porter l’affaire devant une juridiction supérieure pour être sûrs d’obtenir justice.

Ensuite les castes. On ne vous apprendra pas que selon que vous êtes d’une caste supérieure ou inférieure, votre destin est tout tracé dès la naissance. On ne parle pas que des mariages arrangés mais aussi de la sécurité. En effet, les plus pauvres seront les plus vulnérables au sein de la société mais également les moins aidés par les autorités.

Et enfin l’honneur qui va de pair avec les violences faites aux femmes. Les crimes d’honneur, trop présents en Inde, sont un véritable fléau. D’autant plus que beaucoup de faux témoignages sont livrés par les familles pour garder leur sacro-saint honneur sauf, quitte à mettre en danger leurs enfants. Ce qui ne simplifie pas les choses pour résoudre les affaires criminelles !

Sonia Faleiro combine judicieusement l’aspect roman et intrigue tout en intégrant des faits divers et résultats d’études pour étayer son propos et nous immerger dans la réalité du pays. Elle évoque notamment un cas qui fera date dans l’histoire de l’Inde, celui du viol collectif de New Delhi en 2012, qui a vu une étudiante en médecine mourir des suites d’un viol ultra violent. Suite à ce crime (qui a fait grand bruit parce qu’il s’est déroulé dans une grande ville), la population, désespérée de constater que les agressions envers les femmes restent continuellement impunies, a défilé dans les rues lors d’une manifestation sans précédent. Cette mobilisation a permis de faire condamner les coupables et de modifier des lois par rapport aux violences faites aux femmes. C’est déjà ça, mais de là à ce que la loi soit respectée dans les petits bleds pauvres, c’est un autre débat…

The Good Girls est à la fois un livre dur, intéressant et jamais voyeuriste. Des pages denses et courageuses qui se lisent comme un polar et qui valent la peine qu’on s’y intéresse au nom de toutes les victimes silencieuses.