The Fabelmans, autoportrait de “Sammy” Spielberg

The Fabelmans
de Steven Spielberg
Biopic, Drame
Avec Gabriel LaBelle, Michelle Williams, Paul Dano
Sorti le 22 février 2023

Quarante-huit ans après avoir rencontré un succès colossal avec Les Dents de la Mer et suite à une carrière riche de trente-deux films, Steven Spielberg se dévoile aujourd’hui dans un long-métrage aux accents très personnels !

Si le personnage principal de cette nouvelle création aura pour nom Sammy Fabelman et que Spielberg présentera lui-même l’ensemble comme étant uniquement « semi » autobiographique, ce que l’on sait de sa vie correspond malgré tout très fortement à celle de Sammy.  Comme un trop-plein d’humilité de la part du réalisateur ! À travers cela, The Fabelmans apparaît surtout comme la version idéalisée d’une histoire personnelle vue avec le recul d’un homme aujourd’hui âgé de septante-six ans.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Steven Spielberg sait encore créer l’émerveillement ! Si The Fabelmans n’a rien du charme mélancolique de E.T. L’extraterrestre ou de Hook ou la revanche du capitaine crochet, il créera à plusieurs reprises la joie chez le spectateur ; que ce soit lorsque Sammy découvrira son train électrique ou lorsqu’il projettera un film au creux de ses mains. Le réalisateur montre ainsi qu’après la longue et riche carrière qui est la sienne, il sait encore créer de somptueuses images et nous atteindre en plein cœur.

On trouve en effet dans ce film une tendresse rarement vue chez Spielberg – du moins dans la façon dont le réalisateur se livrera lui-même à l’écran. Une tendresse qui transparaitra dans toutes sortes de détails comme le cliquetis des ongles de sa mère sur le piano familial, la danse de celle-ci devant un feu de bois tandis que son père l’observera émerveillé, ou la bande son presqu’entièrement constituée de pièces classiques, comme une déclaration d’amour à sa mère pianiste.

Mais, le réalisateur n’oubliera pas, au travers de ces détails, d’installer subtilement son intrigue en annonçant le calme avant la tempête ! Ainsi, The Fabelmans tient un peu du film synthèse, tandis que Steven Spielberg y abordera l’un de ses thèmes récurrents : le divorce de ses parents. Mais cette fois-ci, de façon frontale et terre-à-terre ; tellement terre-à-terre que l’on se demandera parfois si l’on regarde vraiment un film du célèbre réalisateur. Et paradoxalement, il s’agit probablement de l’un des plus spielbergiens de tous les films de Spielberg…

Derrière cette façon de mettre des images sur ses thématiques fétiches et d’offrir un regard critique sur son histoire personnelle, le réalisateur reviendra subtilement sur sa carrière, en intégrant à son récit plusieurs clins d’œil à ses précédents films : la présence de scouts ou un sac en bandoulière MKVII rappelleront Indiana Jones, le court-métrage de jeunesse Escape to Nowhere renverra à Il faut sauver le soldat Ryan, et le rapport de Sammy à sa judaïté renverra à E.T. l’extraterrestre tandis que Spielberg déclarait  autrefois à ce sujet être : « Un gentil enfant juif qui fait des films sur la résurrection ».

Au-delà de tout cela, le réalisateur s’interrogera sur la puissance du cinéma en prenant pour point de départ son cas personnel avant de l’élargir à son cercle restreint et, de là, au spectateur lui-même. Ainsi, Sammy déclarera à un personnage : « Je t’ai donné l’impression de pouvoir voler », comme une façon de manifester à quel point le Septième Art peut changer les choses, détruire les gens ou leur donner des ailes.

Mais le plus intéressant dans tout cela est que le Spielberg aura réalisé The Fabelmans après son remake de West Side Story et avant d’entamer celui de Bullitt… Comme s’il était entré dans une nouvelle phase de sa carrière au cours de laquelle il semble revisiter le cinéma d’un point de vue personnel autant que cinéphilique !

En conclusion, The Fabelmans est un film intéressant, touchant à la vie personnelle de Steven Spielberg autant qu’à ce qui l’aura amené vers le Septième Art. Un film dans lequel le réalisateur a conscience de son impact personnel sur ce medium autant que de l’impact de ce medium sur lui-même. Un film quasiment incontournable pour comprendre la carrière du réalisateur autant qu’une œuvre sensible et touchante !