« Un amour de cochon », go vegan !

Un amour de cochon
de Mascha Halberstad
Animation
Sorti le 22 février 2023

Pour ses neuf ans, Babs reçoit de la part de son grand-père un porcelet. Ses parents, peu ravis d’accueillir l’animal turbulent dans leur foyer, décrètent qu’ils ne le garderont qu’à une condition : Chonchon devra suivre un cours de dressage canin. Mais alors que le concours annuel de la meilleure saucisse se prépare dans le petit village néerlandais, les intentions du grand-père se révèlent moins honorables qu’elles n’en avaient l’air… Derrière ses apparences de film familial à l’humour bon enfant, le film de Mascha Halberstad renferme un vibrant manifeste pour la cause animale à destination des plus jeunes.

Dépeignant la vie d’une petite famille attachante dans un coin de campagne tranquille des Pays-Bas, Un amour de cochon nous apparaît d’abord comme une oeuvre innocente. L’animation en stop-motion minutieuse et le plaisir évident à recréer par le détail le petit bourg qui accueille l’intrigue confère au film un côté organique très chaleureux.

Mais sous son vernis séducteur, le film révèle une radicalité particulièrement audacieuse pour un film à destination des enfants. En effet, la réalisatrice n’hésite pas à partir à l’assaut d’une institution inébranlable : la famille. Perpétuellement absorbé par ses mots fléchés, incapable de prendre la moindre décision et pratiquement absent du récit, le père de Babs est un froussard invétéré. Et que dire du grand-père maternel, débarqué d’Amérique inopportunément après avoir déserté la vie de sa fille sans explications ? Dans la famille d’Un amour de cochon, les hommes sont définitivement démissionnaires.

Une critique souterraine entreprenante, certes, mais qui semble presque dérisoire par rapport à l’idée subversive maîtresse défendue par le film : tuer des animaux pour consommer leur chair est un acte d’une cruauté sans nom. Mascha Halberstad annonce la couleur d’entrée de jeu en prenant pour personnage principal une jeune fille végétarienne qui n’hésite pas à monter au créneau face au boucher sanguinaire de son village. On sent que la cinéaste tient les plus jeunes spectateurs en haute estime en refusant d’édulcorer le réel. Ainsi, lors de la scène terrible où Chonchon découvre le sort que réservent les humains à ceux de son espèce, les étals de la boucherie sont montrés dans toute leur tragique vérité, et intelligemment filmés du point de vue du porcelet. La séquence bascule même dans l’horreur, à grand renfort d’éclairage cauchemardesque des carcasses de porcs suspendues, et du contrechamp en travelling compensé du pauvre animal terrorisé. Une dénonciation acerbe de l’industrie de la viande qui passe aussi par le biais de l’humour, comme dans cette scène dans laquelle Chonchon défèque dans le hachoir à viande pour en voir ressortir des saucisses d’excréments : la viande, c’est de la merde, et le film ne nous dit pas autre chose.

En substance, Un amour de cochon a tout du pamphlet antispéciste éclatant, astucieusement camouflé dans un film de divertissement doucereux, misant sur l’intelligence de son spectateur. On regrettera toutefois que le scénario pâtisse d’un report trop long de son enjeu principal – l’animal finira-t-il ou non transformé en saucisse – au profit du combat que Babs mène contre ses parents pour garder son Chonchon auprès d’elle. S’il comporte son lot de situations inattendues – la scène de l’examen de dressage, émouvante – ce conflit n’évite pas quelques redondances. On lui pardonne, bien entendu, emporté.e.s par la générosité et l’audace d’un film qui ne nous prend pas pour des jambons.