Snowden, tous les héros ne portent pas de cape

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Snowden

d’Oliver Stone

Thriller, Biopic

Avec Joseph Gordon-Levitt, Shailene Woodley, Melissa Leo

Sorti le 2 novembre 2016

Alors que les médias se sont fait l’écho de l’affaire Snowden durant toute la fin de l’année 2013, il est légitime de se demander pourquoi réaliser aujourd’hui un film relatant à nouveau ces évènements. C’est pourtant ce qu’a choisi de faire Oliver Stone en sortant un long-métrage de 2h15, visant à présenter à nouveau les faits. Après les décevants Wall Street : l’argent ne dort jamais et Savages, le réalisateur américain a décidé de revenir à ce qui avait fait l’essence de son cinéma, à savoir une réalisation davantage portée sur l’histoire et nourrie d’une volonté dénonciatrice.

Snowden raconte ainsi l’histoire du célèbre informaticien Edward Snowden entre 2004 et 2013. D’entrée de jeu, celui-ci est présenté comme un patriote convaincu, désireux d’entrer à l’armée jusqu’à ce qu’une blessure l’en empêche. C’est ainsi qu’il se tournera vers les services de renseignement, déterminé à aider les États-Unis à combattre leurs agresseurs à travers le monde. Petit génie de l’informatique, Snowden réussira brillamment ses tests, explosant les records en place jusque-là.

Avant toute chose, il faut saluer la réalisation d’Oliver Stone, superbe et maîtrisée comme toujours, mais ici quelque peu novatrice, car profitant de l’apport de certaines technologies. Nous pensons notamment à une scène exposant la toile tissée par les réseaux de surveillance américains qui se termine en un œil : scène déjà vue ailleurs mais ici particulièrement bien tournée et comportant des accents orwelliens merveilleusement adaptés au contexte du film. Le rythme est soutenu tout du long et Stone parvient à injecter un suspense très peu évident dans la mesure où l’on sait d’avance quelle sera l’issue du récit.

Les acteurs également sont tous excellents. Joseph Gordon-Levitt en premier, qui imite à la perfection la voix particulière d’Edward Snowden et parvient, par moments, à capturer toute la ressemblance physique du personnage (son jeu d’acteur atteint son apogée dans le troisième quart du film, dans une scène où il sourit et où l’on sent tout son fardeau s’envoler). Shailene Woodley ensuite, qui parvient ici enfin à se détacher de ses éternels rôles d’adolescentes spéciales et tourmentées jusqu’à en devenir réellement attachante. Zachary Quinto, Melissa Leo et Tom Wilkinson encore, dans leurs rôles de journalistes, parviennent à donner à leurs séquences une tonalité particulière salutaire au rythme du film. Enfin, en parallèle à Rhys Ifans – difficilement reconnaissable mais génial de cynisme –, Nicolas Cage ! Bien que ce dernier ne dispose que d’un temps très limité à l’écran, chacune de ses scènes est un plaisir tant il se fait aujourd’hui discret (du moins dans des productions de qualité).

Mais surtout, Snowden parvient à montrer l’ignominie dans laquelle s’est inscrit le gouvernement américain. D’espionnage en manipulation, celui-ci n’a reculé devant rien pour servir ses intérêts, poussant le vice jusqu’au bout. Une phrase résume d’ailleurs pertinemment bien les choses : « This is not about Terrorism. Terrorism is an Excuse. This is about Economics and Social Control ».  Au milieu de cela, se trouve Edward Snowden, un patriote qui voit peu à peu ses idéaux s’effondrer et tente longtemps de se persuader qu’il agit pour le bien public avant de briser ce silence devenu insupportable.

Snowden est ainsi un excellent film qui, sous couvert d’une certaine forme de divertissement, cherche à conscientiser le spectateur. On sent l’investissement réel d’Oliver Stone et sa volonté de voir Edward Snowden réhabilité. À la fin du film, un point majeur ressort : l’importance d’honorer ses héros. Car c’est en patriote que Snowden a agi et c’est comme un patriote qu’il devrait être traité par son gouvernement, non comme un paria.

Mais plus encore, ce film met en évidence un point important : le 11 septembre 2001 marque une césure dans notre histoire et nos mentalités. Le 9 août 1974, suite au scandale du Watergate au cours duquel le public apprenait la mise sur écoute d’une poignée de journalistes [affaire portée au cinéma par Alan J. Pakula en 1976 dans Les hommes du Président], le président Richard Nixon fut tenu de démissionner de ses fonctions. Aujourd’hui, bien que le scandale dévoilé par Edward Snowden se soit étendu sur les administrations Bush et Obama, aucun de ces deux présidents ne semble avoir réellement été inquiété ; l’actualité récente liée aux emails perdus d’Hillary Clinton s’inscrit dans la même dynamique.  Sous couvert de combattre le terrorisme, nous avons cédé une grande partie de nos libertés et de nos valeurs. C’est également ce que cherche à nous rappeler ce film.

Engagé et maîtrisé d’un bout à l’autre, Snowden est un film intelligent disposant d’une réelle personnalité. Ceux qui doutaient encore du talent d’Oliver Stone n’ont qu’à bien se tenir !

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