Botala Mindele, Rémi De Vos sonne le glas des dominants

De Rémi De Vos, mise en scène de Frédéric Dussenne avec Pricilla Adade, Valérie Bauchau, Stéphane Bissot, Philippe Jeusette, Ansou Diedhiou, Benoît Van Dorslaer, Jérémie Zagba. Du 12 septembre au 14 octobre 2017 au Rideau de Bruxelles en résidence au Théâtre de Poche. Du 17 au 21 octobre à l’Atelier Théâtre Jean Vilar. Du 24 au 28 avril 2018 au Théâtre de Liège. 

Dans une banlieue chic de Kinshasa, Ruben et Mathilde ont invité un couple de nouveaux arrivants, Daniel et Corinne. Bien que né en Europe, Ruben se vante de connaître mieux que quiconque son pays d’accueil. Daniel, industriel spécialisé dans le caoutchouc, compte d’ailleurs sur Ruben pour lui présenter la personne qui lui ouvrira les portes de la gloire, à savoir le ministre Dyabanza. Mais les querelles de couple et l’indocilité des domestiques noirs vont transformer les diners d’affaires en règlements de comptes.

Botala Mindele (« Regarde l’homme blanc » en lingala) est l’une des pièces les plus attendues au théâtre cette saison. Une pièce aux allures de superproduction, fruit d’une synergie de grande envergure (Le Rideau de Bruxelles, Théâtre de Poche, Atelier-Théâtre Jean Vilar, Théâtre de Liège, Théâtre des Célestins). Logique nous direz-vous, puisque l’auteur n’est autre que l’incontournable Rémi de Vos, le chirurgien du dialogue théâtral qui manie la plume comme un bistouri, incisant les abcès du couple (Occident, Beyrouth Hotel, Trois ruptures, etc.) par des coups de lame féroces.

Botala Mindele n’échappe pas à l’écriture acerbe de l’auteur français. Encore une fois, il y est question de violences verbales, de tromperies et de faux-semblants. Encore une fois, tout le monde y est un peu luciférien, comme si la nature humaine destinait chaque individu à un amour violent, protéiforme et souvent insondable. Une particularité que la pièce, mise en scène par Frédéric Dussenne, réussit parfaitement à retranscrire. Dans celle-ci, les couples sont malmenés et chaque personnage apporte ce qu’il faut de vicissitude pour faire tomber le masque en fin d’histoire.

Mais ce n’est pas tout. Car, outre cette mise en abîme de la relation, Rémi de Vos interroge le spectateur sur la place de l’homme blanc dans l’Afrique du XXIème siècle. Alors que Ruben symbolise presque à lui seul le passé colonialiste de l’Europe, Louise et Panthère – de par leur réaction à l’iniquité de leurs employeurs – démontrent que le rapport de force entre l’Europe et l’Afrique n’est plus le même. Un tableau que dépeindra d’ailleurs clairement le ministre Dyabanza dans une réplique cinglante sur la place prépondérante de la Chine.

Bref, Botala Mindele est une pièce à l’écriture parfaite, qui offre au spectateur des moments de franches rigolades tout en l’obligeant – de manière implicite – à se positionner moralement sur l’abominable spectacle qui se déroule sous ses yeux. Et quand bien même ce dernier n’en aurait cure, il pourra toujours se délecter des prestations époustouflantes des acteurs présents, chacun donnant le meilleur de lui-même dans ce mélodrame à la frontière du drame bourgeois, puisqu’empreint de bien plus de moralité que le vaudeville.

Botala Mindele de Rémi De Vos est aussi disponible, dès à présent, aux éditions Actes Sud dans une version graphique épurée mais qui reprend l’essentiel : l’intégralité du texte de la pièce. Pour prolonger le moment, plus d’informations sur : http://www.actes-sud.fr/catalogue/pieces/botala-mindele

A propos Matthieu Matthys 919 Articles
Directeur de publication - responsable cinéma et littérature du Suricate Magazine.