Shin Hanga, les estampes japonaises modernes au Musée Art & Histoire

Charles William Bartlett, Le mont Fuji vu depuis le lac Shōji, 1916. Editeur : Watanabe Shōzaburō © S. Watanabe Color Print Co.
Charles William Bartlett, Le mont Fuji vu depuis le lac Shōji, 1916. Editeur : Watanabe Shōzaburō © S. Watanabe Color Print Co.

Cet hiver, le Musée Art & Histoire nous invite à (re)découvrir sa magnifique et impressionnante collection d’estampes japonaises. Rassemblées sous le signe de la modernité, elle sont représentées à travers le mouvement Shin Hanga, au tout début du XXe siècle.

Une collection de haute qualité

Malgré des doutes quant à leur authenticité, les estampes japonaises acquises par le Musée Art & Histoire furent soigneusement conservées dans les réserves jusqu’à un jour des années 1970 lors duquel la collection fut exhumée pour expertise, révélant l’authenticité et la qualité de ces impressions aux couleurs vives, encore fraîches. Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 7 500 estampes qui forment la collection la plus importante d’Europe, dont 220 ont été sélectionnées pour réaliser l’exposition Shin Hanga. Celle-ci n’aurait pas pu voir le jour sans l’aide de sponsor fidèles, qui se font rares par les temps qui courent.

Premières années

Avec un éclairage fortement tamisé pour protéger les œuvres, particulièrement sensibles à la lumière, le parcours débute par un rappel des estampes traditionnelles du XIXe siècle – qui furent notamment l’objet d’une exposition précédente. Dans cette première salle, on reconnaîtra, entre autres, Hiroshige et Hokusai. Les quatre sujets principaux traités sont les paysages (Fukei-ga), les portraits de belles femmes (Bijinga), les portraits d’acteurs de kabuki et enfin, le genre fleurs et oiseaux (Kacho-ga). Ces estampes anciennes sont exposées en roulement, autant pour protéger leurs couleurs que pour permettre d’en admirer une plus grande sélection.

Shin Hanga 1900–1960

Au début du XXe siècle, Hiroaki et Watanabe Shozaburo collaborent pour trouver le style Shin Hanga, dont la traduction littérale est « nouvelles estampes ». Ils souhaitent conserver et faire perdurer cet art typiquement japonais des impressions gravées sur bois et recherchent des artistes capables de faire évoluer le style des estampes sans en pervertir la qualité. C’est finalement chez l’autrichien Fritz Capelari que Watanabe découvrira ce qu’il cherche, avant de largement distribuer ses œuvres au Japon, attirant de cette manière d’autres artistes japonais tels que Ito Sozan.

Portraits de femmes et paysages avant et après le tremblement de terre

L’essor des nouvelles estampes prend son envol vers 1915 et se développe jusqu’au tremblement de terre du 1er septembre 1923 qui détruit planches, croquis et impressions. Durant cette courte période, les genres des belles femmes et des paysages connaissent de profondes transformations. Auparavant, il était de coutume de dépeindre les sites célèbres du Japon avec des personnages représentant les activités quotidiennes. Désormais, on cherche uniquement à magnifier le paysage sans y adjoindre forcément un monument. De même, les portraits de belles femmes représentent des sujets aux postures plus souples dans des scènes plus intimistes.

Hashiguchi Goyō, Femme peignant ses cheveux, mars 1920. Graveur : Koike Masazō, Imprimeur : Somekawa Kanzō © Collection particulière, Pays-Bas.
Hashiguchi Goyō, Femme peignant ses cheveux, mars 1920. Graveur : Koike Masazō, Imprimeur : Somekawa Kanzō © Collection particulière, Pays-Bas.

Après la destruction de ses éditions par le tremblement de terre, Watanabe invite de nombreux artistes à fournir des dessins de leurs peintures afin de produire de nouvelles planches en bois gravées et relancer le marché des estampes. Certaines d’entre elles sont les plus luxueuses jamais réalisées.

Les acteurs de théâtre kabuki

Une petite salle est dédiée aux portraits d’acteurs du théâtre kabuki, un sujet qui ne pouvait être négligé par le mouvement Shin Hanga. On y retrouve une série de grands portraits aux grimaces caricaturales sur fond de mica. Celles-ci trouvent leur inspiration dans les portraits d’un obscur maître du XVIIIe siècle, Tokushai Sharaku.

Nature

Depuis Hiroshige, le genre fleurs et oiseaux avait failli disparaître de la gravure japonaise. Le mouvement Shin Hanga le réintroduit mais il est essentiellement le monopole que d’un seul artiste, Obara Koson. Ce sont ici des estampes qui paraissent un peu ternes, dans différentes teintes de gris, çà et là éclairées de nuances de bleu mais dont l’exécution demeure parfaite.

Modernité

Au cours des années 1920-1930, les artistes sont influencés par la modernité qui se fraye un chemin au Japon. Ils représenteront désormais des scènes urbaines et des femmes non plus habillées de manière traditionnelles mais selon les dernières modes occidentales, ce qui rend le genre provocateur. La Seconde Guerre mondiale porte un coup d’arrêt brutal au mouvement Shin Hanga. À partir de ce moment, il ne parviendra plus jamais à se réinventer.

Une exposition réussie

En clôturant le parcours, on en a pris plein les mirettes. Là où l’on s’attendait à trouver des estampes aux couleurs délavées et jaunies par le temps, on trouve au contraire des impressions gravées aux couleurs chatoyantes, sanguines et azurées, scintillantes même. La scénographie est sobre pour ne pas alourdir le décor et laisser une visibilité maximale aux œuvres. Un petit livret explicatif est disponible pour que l’on puisse s’y retrouver. Très complète et mise en valeur par la qualité de son contenu, cette exposition est plus que réussie et vraiment sublime.

Infos pratiques

  • Où ? Musée Art & Histoire, Parc du Cinquantenaire 10, Bruxelles
  • Quand ? Du 13 octobre 2022 au 15 janvier 2023, du mardi au vendredi de 9h30 à 17h et le weekend de 10h à 17h.
  • Combien ? 16 EUR au tarif plein. Plusieurs tarifs réduits disponibles.

A propos Daphné Troniseck 254 Articles
Journaliste du Suricate Magazine