« Second Tour », abstention

Second Tour
d’Albert Dupontel
Comédie
Avec Cécile de France, Albert Dupontel, Nicolas Marié
Sortie le 1er novembre 2023

Journaliste politique honnie par sa hiérarchie, Mademoiselle Pove mène l’enquête sur Pierre-Henri Mercier, candidat favori au second tour de l’élection présidentielle au passé trouble. Avec cette fable tantôt lourde, tantôt niaise, Dupontel loupe le coche et livre une comédie poussive en lieu de la satyre politique mordante qu’on attendait.

Autrefois agitateur déjanté et subversif du cinéma français, Albert Dupontel est aujourd’hui un cinéaste grand-public, récemment aux commandes de films familiaux et inoffensifs (Au revoir là-haut). La consécration de son dernier long-métrage Adieu les cons, récipiendaire de sept statuettes sur onze nominations lors de la cérémonie des Césars 2021, était déjà le signe évident que son cinéma s’était vidé d’une partie de son impertinence. Second tour, satyre politique ratée et fable mièvre, semble malheureusement confirmer le virage consensuel de son œuvre.

En tant qu’objet de cinéma, la facture du film est étonnante, pour ne pas dire poussiéreuse.  Baignée d’une omniprésente lumière jaunâtre, saturée d’images de synthèses de qualités variable et de rajeunissements numériques douteux, Second Tour flirte en permanence avec le mauvais goût. C’est dommage, car il va sans dire que Dupontel est un cinéaste de talent, ayant prouvé à maintes reprises qu’il sait raconter une histoire à l’aide du langage cinématographique. Sa mise en scène aurait certainement mérité que la production s’accorde à la hauteur de ses  ambitions formelles.

Concernant l’écriture, on est à nouveau surpris du côté paresseux de cette caricature politique terriblement simpliste et attendue (les hommes politiques sont méchants, les médias sont des vendus…). Pire encore, la façon dont est traitée la question écologique au cœur de la campagne présidentielle est plus proche du recueil de dictons « sagesse paysanne » que du sérieux que requerrait un enjeu si complexe. L’humour fait rarement mouche et repose principalement sur un comique de répétition assez niais, loin du ton caustique auquel nous avait habitué Dupontel dans ses meilleurs films (Bernie, Le Créateur). Le duo principal formé par Cécile de France en journaliste d’investigation, et le trop rare Nicolas Marié dans la peau de son assistant Gus, avait pourtant tout pour être attachant. Mais les deux acteurices sont bien à l’étroit dans leur rôle respectif de chefaillonne et de comic relief, servis par de mauvais gags  (lisant sur les lèvres, Gus confond les mots « jumeau » et « jambon »…). Bref, espérons qu’Il faut brûler maman, son prochain film au titre séduisant, soit l’occasion pour Dupontel de renouer avec l’irrévérence qui fit un jour le sel de son cinéma.