« La brodeuse de Winchester », un roman délicat et féministe par la plus anglaise des autrices américaines…

Titre : La brodeuse de Winchester
Autrice : Tracy Chevalier
Editions : Folio
Date de parution : 4 novembre 2021
Genre : Roman historique

Tracy Chevalier a l’art d’emmener ses lecteurs dans des univers d’époque toujours variés. Après les toiles de Vermeer ou les fossiles de Lyme Regis, il est temps de vous immerger dans le monde des brodeuses et des carillonneurs !

Southampton, 1932. Cela fait plusieurs années que Violet Speedwell a perdu son fiancé, mort sur le front en 1917. Contrainte de vivre avec sa mère, comme le voulait l’usage pour toutes les femmes célibataires, la vie est loin d’être rose pour Violet. Sans cesse dénigrée et humiliée par sa mère, la jeune femme finit par mettre les voiles pour aller travailler à Winchester comme dactylo.

Un peu esseulée dans la ville, elle intègre un groupe de brodeuses qui confectionnent des coussins et des agenouilloirs pour la cathédrale. D’abord dubitative, Violet se sent rapidement en confiance dans cette mission, notamment grâce à Louisa Pesel, qui dirige le cercle des brodeuses. Peu à peu, la jeune femme se libère des carcans, grâce aux nombreuses rencontres que ses nouvelles activités occasionnent, notamment celle du groupe des carillonneurs, une confrérie masculine qui va donner du piquant à sa nouvelle vie…

Comme de coutume avec Tracy Chevalier, le héros…est une héroïne. Si l’autrice a introduit dans l’histoire l’authentique Louisa Pesel (1870-1947), elle n’est cependant qu’un personnage secondaire, au profit de Violet, la protagoniste fictive du roman. Elle en a fait un personnage moderne qui s’en fiche du qu’en-dira-t-on et part seule en vacances, savoure des aventures d’un soir et quitte le nid sans pour autant suivre un homme.

Violet fait partie de ces « femmes excédentaires », c’est-à-dire les veuves et les femmes non mariées, beaucoup plus nombreuses que les hommes après la Première Guerre. Et si l’on était pas une épouse, on était vite considérée comme vieille fille, même à 38 ans. Pauvre Violet !

La condition des femmes est LE cheval de bataille de l’autrice américaine, quelle que soit l’époque concernée. Ici, elle met également en lumière le fait que dans les années 30, les femmes et l’emploi étaient compatibles, du moins tant qu’elles ne tombaient pas enceintes. Lorsque cela arrivait, leur avenir était tacitement tracé : après avoir nettoyé les petites fesses rebondies de leurs bébés, elles torcheront les derrières flétris des parents vieillissants.

Quant aux thématiques « manuelles » abordées, elles ne doivent pas vous faire peur ! Même si l’art campanaire (vous irez voir sur Google), le point de riz, le point de Gobelin ou encore le point d’œillet ne sont pas votre tasse de thé, foncez, car Tracy Chevalier a le don d’évoquer des termes que la plupart d’entre-nous ne connaissent pas (et disons-le, s’en fichent complètement) sans nous saouler.

Au final, La brodeuse de Winchester est une réussite. Vous adorerez vous indigner pour ces femmes bafouées, découvrir des univers bien documentés et vous délecter d’un texte fluide mais habilement travaillé par une plume délicate.