La plus précieuse des marchandises : quand un conte prend les couleurs d’une vérité

© Gaël Maleux

De Jean-Claude Grumberg. Mise en scène de Janine Godinas. Avec Jeanne Kacenelenbogen. Du 18 mai au 30 juin 2023 au Théâtre Le Public.

La guerre et ses dérives n’est pas un thème aisé, mais il est de ces conteurs qui savent s’inspirer d’une dure vérité pour nous conter une histoire tantôt avec douceur, tantôt avec ardeur, tantôt avec un brin d’humour. C’est ce genre de conteur qu’est Jean-Claude Grumberg et c’est un texte splendide qu’il nous offre à travers La plus précieuse des marchandises. Passant outre les horreurs de la guerre, il choisit de décrire l’amour d’une mère et d’un père et la force qu’ils déploient pour sauver ce qui leur est le plus précieux, qu’importe le monde, qu’importe ses dangers.

Sur scène, le décor est planté et c’est le cas de le dire : des troncs sont dispatchés à divers endroits de la scène, accompagnés de feuillages et d’un amas de buches. C’est une ambiance forestière de cabane dans les bois qui nous accueille, avec en plein milieu de la scène un petit berceau qui vient titiller notre curiosité. Au fil de la pièce, le décor demeure, toute la mise en scène se concentre sur la comédienne qui occupe l’espace par sa simple présence. Par des jeux de lumière et l’incorporation d’un complément sonore, la régie accompagne l’histoire avec justesse. Des projections sylvestres aux douces mélodies, en passant par les mélodies plus rudes et les ajustements de luminosité, tout nous semble à sa place et parfaitement coordonné avec le conte qui nous est offert. C’est un ballet technique et scénique rondement mené que nous offre Janine Godinas.

Sur scène, Jeanne Kacenelenbogen nous conte l’histoire d’une pauvre bucheronne en mal d’enfant et d’un pauvre bucheron qui ne s’en soucie guère. Notre pauvre bucheronne découvre alors un train non loin de leur demeure et s’en suit une admiration naïve mais touchante envers ce train et les dieux du train qui la saluent quelques fois d’un geste de la main. Un jour, ces derniers font à pauvre bucheronne le plus beau des présent, ils lui délivrent la plus précieuse des marchandises. Et cette marchandise, pauvre bucheronne ne la quittera plus, que pauvre bucheron le veuille ou non, quitte à s’aventurer dans des contrées sinistres pour la préserver. Chaque personnage est joué avec justesse par la comédienne, qui se trouve seule en scène mais qui nous offre une performance digne d’une troupe entière. D’une voix marquante et parfaitement maitrisée dans chacune de ses modifications toniques et rythmiques, Jeanne Kacenelenbogen nous entraîne avec elle dans ce conte émouvant. Nul besoin de déplacements inutiles, sa prestance et son très beau jeu accompagné avec précision par la régie impose le silence : nous sommes scotchés à ses lèvres.

Est-ce une vérité romancée ? Ou bien est-ce le simple fruit d’une imagination débordante ? La question peut se poser, et elle finit d’ailleurs par l’être, la conteuse effaçant brièvement le quatrième mur pour s’adresser à son public. Si vous souhaitez connaître la réponse à cette question, ou simplement passer un agréable moment au théâtre, nous ne saurons que trop vous conseiller de vous rendre au théâtre Le Public pour découvrir La plus précieuse des marchandises.