Razzia, la violence du changement

Razzia

de Nabil Ayouch

Drame

Avec Maryam Touzani, Arieh Worthalter, Amine Ennaji

Sorti le 25 avril 2018

Nabil Ayouch n’a pas froid aux yeux : après avoir fait polémique au Maroc avec son film Much Loved – quoique bien reçu en France – le réalisateur revient en force avec un dernier long-métrage qui risque à nouveau de faire parler de lui. Mais cette fois-ci le sujet choisi est vaste : c’est la société dans son ensemble qui est analysée, critiquée. Et pour exprimer les différentes facettes du problème, Nabil Ayouch utilise un procédé simple mais efficace : entremêler cinq destinées complètement différentes dans ce qu’elles ont de commun, à savoir la lutte.

Étalé sur deux générations, le film s’ouvre sur les montagnes de l’Atlas dans les années 80 – où nous découvrons l’histoire d’Abdallah – et continue sur le présent à Casablanca – avec les personnages de Salima, Joe, Hakim et Inès. Abdallah est un jeune enseignant intègre qui ne désire rien de plus que ce qu’il semble juste pour ses élèves. Un projet simple désapprouvé par des forces supérieures. Une trentaine d’années plus tard, Joe tient un restaurant-bar mais malgré la sympathie qu’il inspire, il se fond difficilement dans une culture qui ne partage pas sa foi. Quant à Inès, Hakim ou encore Salima, ils peinent eux aussi à se faire une place. Que ce soit à cause de leurs passions, de leurs désirs, ou encore de leurs valeurs, les protagonistes semblent incompris par celles et ceux qui les entourent.

Et c’est ainsi que Razzia semble mettre le doigt sur un « problème » : une société partagée entre désir d’occidentalisation et valeurs traditionnelles. Ce n’est pas pour rien que le réalisateur a choisi de commencer son film dans les années 80, en plein dans « les années de plomb». Et avec tantôt beaucoup de violence, tantôt beaucoup de sagesse, Razzia met en scène des personnages tiraillés, qui cherchent comment s’émanciper dans un monde au confluent de l’individualisme libéral et de la tradition. Ce qui est, néanmoins, dommage c’est que le bilan reste très négatif. Et finalement à part les paysages grandioses – Ayouch se dresse dans Razzia comme un véritable maître de l’image – le portrait dressé du Maroc semble assez sombre. Et si certains personnages peuvent éventuellement se débarrasser de ce qui les obstrue, ce n’est certainement pas parce que la société leur tend la main.

Finalement, le pari « d’ouvrir un champ de réflexion », sans être un échec, n’est pas complètement une réussite. Certes, le sujet est intéressant et la manière scénaristique de l’aborder est intelligente mais, dans le fond, Razzia manque un peu de contre-partie. Pour l’instant, le film est prévu au Maroc le 14 février et interdit au moins de seize ans, mais reste à savoir comment il y sera reçu.