Portraits, à bout de souffle et de café,

Scénario : Nikos Tsouknidas
Dessin : Nikos Tsouknidas
Éditeur : Dargaud
Sortie : 02 juin 2023
Genre : Roman graphique

Portraits raconte l’histoire de Louis Daguerre, inventeur du daguerréotype, ancêtre de la photographie. En 1838, le voici qu’il débarque sur une petite île grecque de la mer Égée, pour exposer sa nouvelle découverte à un ancien condisciple, Taki. Daguerre ne demande qu’une chose : que Taki n’en parle à personne. Or, celui-ci dépose l’appareil photo dans les mains de Marko Gavras, jeune homme touche-à-tout à la croisée des chemins, vrai héros de l’histoire avec sa sœur Io, qui débarque sur l’île après 3 ans d’absence.

En écrivant le résumé de Portraits, on réalise le programme chargé que cette BD promet en 120 pages : le début de la photographie, les trahisons amicales, le caractère rude des îles, la recherche de soi, l’aventure et les grands choix à assumer lorsqu’on est à l’âge de choisir les études qu’on souhaite suivre, loin d’où l’on a grandi. Portraits parvient-elle à la hauteur de ses ambitions ? Pas vraiment, sans pour autant faire totalement fausse route.

On  comprend très vite que l’histoire de Daguerre et Taki est une excuse pour démarrer le vrai récit. D’ailleurs, les explications du narrateur et des personnages sur la trahison amicale, parfois trop descriptives et ne laissant pas le temps au dessin de vivre, sont amenées très vite, comme pour mieux s’en débarrasser. Marko, embarqué sur sa draisienne (ancêtre du vélo), daguérrotype en main, accompagné de sa sœur Io, soutenus par leurs parents et leur ami Simo, ce sont eux que nous allons suivre longer les chemins pentus de cette île vivant au rythme de ses traditions locales.

Un manque de clarté

À l’image de son récit, Nikos Tsouknidas, informaticien de formation, semble craindre le vide. Si Portaits est parsemé d’arrière-fonds blancs, teinte dominante (et froide) d’un monde censé représenter l’éblouissement du soleil méditerranéen, ce n’est qu’une illusion d’optique. Le surplus gagne parfois l’image en anesthésiant le sens de la lecture. La provenance des phylactères n’est pas toujours très claire. Limite boursouflé, le style visuel qui se veut réaliste ne parvient pas toujours à faire sens, allant même parfois parse montrer abscons. L’effet était peut-être recherché, pour représenter le foisonnement de cette vie insulaire ? Toujours est-il que cette surcharge numérique masque aussi un manque d’émotion, qui reste en surface et pourrait être davantage développée.

Ce récit initiatique, comme les aplats de couleur dont certains choix nous laissent pensifs, reste parfois un peu plat justement, sans relief ou profondeur (de champ). On suit néanmoins avec curiosité ce gamin qui déambule sur son vélo brinquebalant et photographie sa vie quotidienne dans cette Grèce perdue au milieu de l’eau et de ses paysages blancs. À défaut d’une vraie réflexion sur la nature de l’image ou sur l’arrachement aux origines, un peu de café, des airs de luth grec et le souvenir d’un plongeon d’une femme défiant les codes patriarcaux nous restent en bouche et aux oreilles.