Le Challat de Tunis, les maux d’une société muette

le challat de tunis poster

Le Challat de Tunis

de Kaouther Ben Hania

Policier

Avec Kaouther Ben Hania, Jallel Dridi, Moufida Dridi

Sorti le 23 septembre 2015

Drôle et révoltant à la fois, Le Challat de Tunis est un film d’une pertinence incontestable. Une très belle découverte qui annonce l’émergence d’une cinéaste de talent.

Dévoilé à l’ACID à Cannes en 2014, Le Challat de Tunis n’a pas fini de faire parler de lui, et c’est tant mieux. Ce film surprenant à l’humour incisif enquête sur l’affaire du Challat de Tunis, un homme balafrant les fesses des femmes jugées trop désirables.

Dans ce premier long-métrage, caméra au poing, la réalisatrice Kaouther Ben Hania arpente les rues de Tunis en quête du fameux Challat, récemment sorti de prison. La rumeur court, en effet, qu’un homme à moto aurait tailladé plusieurs dizaines de paires de fesses se promenant sur le macadam tunisien. Fait divers, légende urbaine, faux coupables et vrais innocents, Kaouther Ben Hania se penche sur cette sombre histoire.

Dans sa démarche très personnelle, la réalisatrice ne fait pas dans la demi-mesure. Aussi bien avec les éléments narratifs de son enquête qu’avec les composants d’un cinéma propre à la fiction, la réalisatrice s’amuse avec brio à nous embrouiller dans ses méandres dramatiques. Son esthétique est proche de celui du cinéma direct, et pourtant, c’est avec délectation que l’on se rend vite compte qu’il s’agit d’un manège fictionnel affirmé. Pour plus d’ambiguïté et d’ingéniosité, le processus de création est placé au centre du récit où l’on suit la progression de l’enquête, ainsi que celle du film, en compagnie de la réalisatrice.

Un résultat hybride, mêlant fiction au documentaire, qui nous balade d’une rumeur à l’autre avec une précision, une ironie et une audace exemplaires. Au détour d’une rue, les langues se délient pour contester la place réservée aux femmes dans l’espace public, témoignages d’autant plus terrifiants puisqu’ils émanent d’une culture collective.

Au final, peu importe qu’il s’agisse de vérité ou tromperie, puisqu’au-delà du simple fait divers, cette fable montre avec grande justesse les maux discrets d’une société muette.

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