« Pacifiction », on se détend sous les cocotiers

Pacifiction
d’Albert Serra
Drame, Espionnage
Avec Benoît Magimel, Pahoa Mahagafanau, Matahi Pambrun
Sorti le 11 janvier 2023

Ne vous fiez ni aux couleurs de l’affiche – le kitch de son coucher de soleil magenta qui semble annoncer une bonne comédie tropicale – ni à son scénario haletant – la confrontation entre les habitants d’une île polynésienne et un représentant de l’état français au sujet d’une rumeur qui, si elle s’avère vraie, risque bien de mettre la vie des locaux en péril. Mais surtout ne vous fiez pas aux catégories racoleuses dans lesquelles on le range ; ce n’est ni un « drame », ni un « thriller » et encore moins un « film d’espionnage ». Le packaging est trompeur mais pour sa défense le produit est difficilement classifiable. Avec Pacifiction, Albert Serra signe avant tout un voyage immersif au cœur du Pacifique, lent et contemplatif. Rien de surprenant à ce que, lors de sa présentation à Cannes, ce premier long-métrage du réalisateur espagnol, ait connu un retour mitigé de la part des festivaliers – les Inrockuptibles le qualifiant de consécration, là où d’autres déplorent ses longueurs.

Et il faut bien le reconnaître, le film s’étire un peu. Finalement il tient en une phrase : le Haut-commissaire de la République M. De Roller essaye d’étouffer une rumeur qui trouble le calme de Tahiti et selon laquelle il serait question d’essais nucléaires dans la région – pour 2h45 de silence. Enfin de silence, pas tout à fait. Il est plutôt question d’un permanent bruit de grillons, entrecoupé de musiques tropicales style Aloha Breeze. Il ne faudrait pas contrarier, par des dialogues superflus, la torpeur immersive dans laquelle tout ça glisse le spectateur. Alors, au cinéma, il fait somnolent, comme si un vent tropical soufflait dans la salle.

Mais de nouveau, il s’agit avant tout d’être réceptif ou de ne pas l’être. C’est un film expérimental, porté par un Magimel en super forme, avec ses chemises à fleurs et son assurance ridicule qui rappelle un peu Michel Blanc dans Les Bronzés. L’anachronisme du récit – ses décors et ses costumes tout droit sortis des eighties qui contrastent avec le présent dans lequel se déroule l’action (ou la non-action) – rend le résultat encore plus particulier. L’esthétique de certaines images tantôt rosées, tantôt bleutées attirent le regard. Sans oublier, la dimension quasiment sociologique de la démarche filmique, on peut trouver bien des qualités à cet ovni cinématographique devant lequel certains médias se sont extasiés. Mais, pour notre part, en sortant, on a moins l’impression d’avoir assisté à un film que de s’être retrouvé piégé dans une longue – très longue – expérience sensorielle, qui laisse dans nos mémoires l’empreinte d’un moment surréel, entre rêve et réalité. Mais ça, c’est peut-être aussi parce que l’ambiance sonore apaisante est propice à l’assoupissement.