Next to Normal : « La famille normale n’existe pas »

Photographie du spectacle Next to Normal
© Bruno Mullenaerts

Next to Normal, c’est l’histoire d’une famille… presque normale. Créé en 2008 aux Etats-Unis par Tom Kitt (musique) et Brian Yorkey (paroles), le spectacle a renouvelé le genre de la comédie musicale. Malgré un succès planétaire, il aura fallu dix ans pour qu’une adaptation soit proposée au public belge francophone. À quelques semaines de la première à BOZAR le 27 décembre, rencontre avec Damien Locqueneux, le metteur en scène, et Anthony Scott, l’un des six comédiens sur scène.


« Next to Normal » : voici un titre intriguant. De quoi s’agit-il, en quelques mots ?

Damien Locqueneux : C’est l’histoire d’une famille normale… à une exception près. La mère, Diana Goodman, est bipolaire. La bipolarité, c’est une forme de grosse dépression : pas un simple état de déprime, mais une véritable maladie. C’est d’ailleurs une maladie incurable puisqu’on sait l’accompagner, l’atténuer, mais pas la soigner. Face à ce drame, les autres membres de la famille essaient de trouver des solutions pour vivre une vie aussi « normale » que possible.

Alors que tout tourne autour du personnage central de la mère, on se rend compte que les autres membres de la famille souffrent aussi. La fille, par exemple, commence à reproduire les comportements de sa mère : prise de médicaments, crises de folie… On assiste donc à des choses assez complexes au sein de la famille. Le spectacle évoque des sujets difficiles comme la maladie, le deuil, la drogue, mais aussi les relations parents-enfants, l’amour, l’amitié… des situations dans lesquelles toutes les familles pourront se reconnaître. À vrai dire, la famille normale n’existe pas !

La maladie, la drogue, le deuil… Il s’agit de thèmes plutôt durs pour une « comédie » musicale jouée pendant la période des fêtes de fin d’année. Peut-on aller voir le spectacle en famille ?

Anthony Scott : C’est vrai que les thématiques abordées sont complexes et difficiles. Certaines scènes, comme lorsque Diana subit des électrochocs dans le cadre de sa thérapie, risquent de troubler ou de choquer un public jeune. Le spectacle me paraît accessible à partir de 11-12 ans.

Damien Locqueneux : Il y a une sorte de pouvoir cathartique dans le spectacle. Certains spectateurs qui ont eux-mêmes fait l’expérience d’un deuil dans leur famille en ressortent avec des émotions fortes mais aussi parfois avec un sentiment de libération, comme si le spectacle leur permettait de partager leur expérience et d’en parler plus facilement.

Mais il y a aussi une belle leçon d’amour et un message d’espoir. Le personnage du père est particulièrement remarquable. Cela fait seize ans qu’il soutient sa femme et on sent qu’il ne n’abandonnera pas, qu’il la soutiendra jusqu’au bout.

Le New York Times parle de « nouvelle génération de musical » pour Next to Normal. En quoi ce spectacle est-il différent des comédies musicales classiques ? Quelle est la recette de son succès ?

Damien Locqueneux : Par rapport à d’autres comédies musicales, la force de Next to Normal est de permettre une très forte identification entre le public et les personnages. Ce que cette famille vit, nous le vivons tous d’une manière ou d’une autre.

Anthony Scott : En Belgique, on n’a pas la même culture des comédies musicales que dans les pays anglo-saxons. Ici, le grand public n’est souvent pas conscient de la diversité des genres qui existent au sein de cette catégorie de spectacle vivant. Quand on entend « comédie musicale », on pense encore souvent aux grandes chorégraphies de Broadway avec strass et paillettes, ou bien aux shows musicaux français comme Roméo et Juliette ou Notre-Dame de Paris.

Next to Normal offre un type de spectacle différent, avec une histoire qui évoque des thèmes de société actuels et une musique qui vient souligner les émotions des personnages. Les Anglais appellent ça le contemporary musical theatre. Il s’agit de mettre la culture musicale contemporaine au service d’une histoire et de ses personnages.

Anthony Scott. © Photographie de Bruno Mullenaerts

Vous évoquez la dimension musicale du spectacle. À quoi peut-on s’attendre dans ce domaine ?

Anthony Scott : Il s’agit d’un répertoire de chansons originales composées par Tom Kitt. Surtout du rock mais aussi de la musique pop, des influences folk et quelques notes de valse.

Damien Locqueneux : Musicalement, il y a vraiment une grande cohérence avec l’écriture. Par exemple, dès que la guitare électrique retentit, on ressent la maladie de Diana et surtout sa phase maniaque.

Comment avez-vous fait pour adapter le spectacle au public francophone ?

Damien Locqueneux : Il y a eu un gros travail de traduction et d’adaptation. Personnellement, j’essaie toujours de rester aussi proche que possible de ce que l’auteur raconte. Avec Arnaud Giroud, notre directeur musical, nous avons cherché à conserver le rythme et la musicalité des chansons au maximum.

Comment l’équipe s’est-elle constituée et préparée pour le show ?

Damien Locqueneux : Nous avons débuté le casting début 2017 et reçu plus de 250 candidatures. Parmi elles, très peu de Belges francophones, surtout chez les hommes. Je pense que cela s’explique par le manque de formations tri-disciplinaires (chant, danse, théâtre) chez nous.

Anthony Scott : Personnellement, après mon diplôme à l’Institut des Arts de Diffusion (IAD) de Louvain-la-Neuve et six ans de théâtre, je suis allé à Londres pour me former à la Royal Academy of Music. Une expérience très exigeante qui m’a permis d’apprendre beaucoup et de rencontrer des gens exceptionnels.

Cela dit, on a beau avoir l’expérience des comédies musicales, on repart presque de zéro à chaque projet. Avec Next to Normal, nous avons eu la chance d’avoir tout de suite une bonne ambiance au sein de l’équipe. Pendant les cinq semaines de répétition, un peu comme dans le spectacle, nous nous sommes tous soudés autour de Virginie Perrier [NDLR : qui joue le rôle de Diana] : une comédienne solide, talentueuse, généreuse, avec qui nous avons tous eu beaucoup de plaisir à travailler.

Découvrez Next to Normal du 27 décembre 2018 au 6 janvier 2019 à BOZAR Bruxelles. Les horaires et tarifs disponibles sur le site de BOZAR.

A propos Soraya Belghazi 378 Articles
Journaliste