L’Ordinaire Mésaventure d’Archibald Rapoport : créativité de la mort et philosophie de l’absurde.

Titre  : L’Ordinaire Mésaventure d’Archibald Rapoport
Auteur : Pierre Goldman
Editions : Séguier
Date de parution : 18 avril 2019
Genre : Roman autobiographique

En rééditant L’Ordinaire Mésaventure d’Archibald Rapoport, c’est un passé de controverse que Séguier réveille. Lors de sa sortie en 1977, le deuxième ouvrage de Pierre Goldman avait su faire parler de lui, donnant l’impression qu’avec ce livre l’auteur trouvait un moyen de légitimer les meurtres des deux pharmaciennes pour lesquels il fut jugé coupable avant d’être innocenté quelques années plus tard. Il faut avouer qu’il existe des ressemblances entre l’histoire de cet écrivain révolutionnaire et celle de son personnage philosophe. Mais Goldman le clame : Rapoport est un être fictif et non une pâle copie autobiographique. Et on se rend vite compte que le fossé qui sépare les deux hommes est aussi important que le chemin qui les lie. Goldman était perçu comme un homme d’action, convaincu et intellectuel d’extrême gauche alors que Rapoport est un esprit fou de liberté qui agit selon des préceptes que lui seul peut comprendre.

Archibald est né Juif et restera fort marqué par la Shoah qui lui a enlevé ses parents. Élevé par sa tante, il garde de son éducation un amour pour la philosophie. Au cours de ses réflexions décousues, voire parfois obscènes, il se met à réfléchir la mort comme un moyen d’écrire la vie. Et c’est ainsi qu’Archibald devient assassin par désir de créer. Quatre policiers, deux magistrats et un avocat deviennent les muses de cette œuvre macabre qu’Archibald signe en déposant un olisbos près des cadavres.

Rapoport est un penseur de l’absurde. Même lorsqu’il cite des philosophes reconnus comme Hegel, ses propos pris au premier degré n’ont pas de sens. Pourtant le texte de Goldman est profond. Kafkaien et sartresque, Rapoport réfléchit la condition de l’homme, l’homme qui agit, qui pense et qui subit. C’est un roman philosophique qui ne l’est pas complètement tant il est déjanté. Et l’écriture, à l’image du propos, est confuse et démesurée. Les tournures de phrases alambiquées et le style pompeux ne sont pas des gages de finesse, mais ils renforcent l’impression que laisse ce roman de n’être en fait que sa propre parodie.

L’Ordinaire Mésaventure d’Archibald Rapoport est un livre tellement complexe et complet que chacun est libre d’en avoir sa propre interprétation. Mais une chose est sûre, il y a matière à penser. On peut remercier Séguier, éditeur de curiosités, de remettre au goût du jour un roman qui ne devrait pas être oublié.