L’ombre des Pins ou les souvenirs d’un été imaginaire

Scénario et dessin : Cécile Dupuis et Valérian Guillaume
Éditeur : Virages graphiques
Sortie : 28 septembre 2022
Genre : Roman graphique

Pablo est embrigadé par ses parents pour passer quelques jours avec eux dans le Sud, au bord de la mer, chez sa grand-mère. L’ambiance est lourde, on ne rigole pas beaucoup, et puis il n’y a que des vieux là-bas, comme le dit Pablo. Mais ça, c’était avant sa rencontre avec une photographe, Carla, une fille de son âge, dont il va faire connaissance sous la torpeur de l’été.

L’ombre des Pins un album sans mots, ou presque. Les quelques phrases qui sont dites ne viennent que prolonger l’expérience et sont parfois même redondantes par rapport à ce que l’image exprime. Ce qui importe ici à Cécile Dupuis et Valérian Guillaume, c’est de créer un monde dont le visuel est chargé de sens, dont les détails géographiques et le cadrage racontent des choses.

Des impressions d’été

Comment faire percevoir à la lecture le temps infini d’un été en Méditerranée, la langueur qui s’en distille, sans passer par des commentaires explicatifs ? Les auteurs s’y emploient en jouant sur des couleurs monochromes aux teintes orangées, mais aussi la répétition de motifs, l’accumulation de cases quasi similaires décrivant des ombres grandissantes ou un bateau qui dérive sur les vagues. Ce sont des impressions d’été qui font appel à nos souvenirs personnels, et à l’universel partagé de sensations estivales.

L’ombre des Pins un roman graphique porté par l’amour de la photo, dessiné par des photographes. On réfléchit au cadre, à ce que l’on tient à montrer et à voir. Les ellipses sont autant narratives que visuelles. On regarde l’été comme il nous regarde. On cherche à capter l’indicible, de capturer dans la boite à souvenirs ce qui disparait déjà devant nos yeux.

On regarde les corps, on les découpe, sans les sexualiser. Cette hyper-géométrisation empêche l’émotion et l’érotisme facile de poindre, mais libère paradoxalement l’imaginaire. On y décalque notre vécu, réel et fictionnel (« call me by your name » en tête), dans cette histoire d’autonomie, de libération du carcan familial et de découverte des émotions corporelles adolescentes et estivales.