« Les Trois Mousquetaires : Milady », accrochez-vous les montagnes russes commencent !

Les Trois Mousquetaires : Milady
de Martin Bourboulon
Aventure, Historique
Avec François Civil, Romain Duris, Vincent Cassel
Sortie le 13 décembre 2023

Car tout est nuance, puisque la division en deux camps n’existe que dans les mauvais récits, parce qu’une vie humaine est une trajectoire complexe, somme toute incohérente, toujours prise entre plusieurs feux et changeant constamment au contact de celles des autres, alors, il est absurde de demander à une histoire qui se veut organique d’aller d’un point A à un point B de manière linéaire, logique et rationnelle. Il en va ainsi des Trois Mousquetaires. Car, avant d’être un film, les aventures de D’Artagnan sont évidemment, un roman. Un roman qui cherche à mélanger les genres, à ne pas se cantonner qu’à un registre, à, finalement, représenter la vie dans son ensemble.

L’adaptation en deux films de Martin Bourboulon a pour ambition de suivre cette voie. Ainsi, lors de ce deuxième volet articulé autour du siège de La Rochelle et de la résolution du complot fomenté contre Louis XIII, les intrigues s’entrecroisent à mesure que les personnages se rapprochent pour former, en définitive, non plus une multitude de duels polarisés, mais une constellation de relations et d’enjeux, multipliant, de fait, les zones de friction.

En clair, le film suit les différentes quêtes de D’Artagnan et peut se résumer en trois lignes. D’une part, protéger le Roi en démasquant qui est à la tête du complot. Ensuite, faire honneur à son statut de mousquetaire en prenant part à la guerre civile qui oppose catholiques et protestants et se cristallisant autour du siège de La Rochelle. Et enfin, retrouver Constance Bonacieux, élu de son cœur ayant été kidnappée par allez savoir qui.

On comprend donc qu’il est facile de se laisser porter par le long-métrage. Impossible de s’ennuyer tant la tension est permanente, car chaque ligne narrative empêche les autres de se stabiliser, avec, dans le rôle de l’éternelle agitatrice, celle qui donne son nom au film et dont nous n’avons même pas parlé jusqu’ici, Milady. Ce tourbillon atteint sans nul doute son objectif : le mélange des genres y est présent et largement réussi. Bien que l’action soit le principal registre représenté, on trouve un certain équilibre avec l’intrigue politique et la romance, le tout avec un ton jouant souvent avec la comédie. De la même manière, la multiplicité des aspirations des personnages (particularité qui n’est, pour une fois, pas l’apanage du seul protagoniste) entraîne une réelle complexité du complot. Car les objectifs des différents actants sont très variés et ne résument pas le conflit aux huguenots traitres et séditieux aux loyaux catholiques se battant pour l’intégrité du royaume de France. Ainsi, les alliances se font et se défont à mesure que chacun voit midi à sa porte.

Cependant, ce qui fait la force du film en fait aussi sa faiblesse. Difficile de savoir en temps réel qui veut quoi, compliqué de rationaliser les actes passés d’un personnage à l’aune d’une découverte. Le rythme du long-métrage étant celui d’un film d’action, la narration ne s’arrête jamais. Pas un moment pour souffler, pour prendre le temps de réfléchir. Il est donc aussi facile de se laisser entraîner qu’il est compréhensible de complètement sortir de l’histoire. Et il est très dangereux de laisser son spectateur décrocher. Car, un spectateur désinvesti l’est de plus en plus à mesure que le film avance et l’absence de pause jusqu’à la résolution finale empêche de rembarquer ceux qui s’étaient arrêtés en route. Il n’est, pourtant, pas impossible, même dans un film d’action, de ralentir pour des moments de compréhension ou d’introspection. Mais les deux films de Martin Bourboulon manquent cruellement de temps. Condenser près de 850 pages en un peu moins de quatre heures est un défi de taille et la narration trahit l’ampleur de l’adaptation. À plusieurs reprises, un nœud dramatique est défait juste après avoir été fait et on devine que plusieurs dizaines de pages ont été raccourcies en quelques minutes donnant une certaine impression de « tout ça pour ça ? ». De la même manière, certaines décisions prises par les personnages semblent dictées par le seul besoin de faire avancer l’intrigue, d’arriver à un point obligatoire de la narration. Le danger est, ici, encore plus grand tant la cohérence des personnages est un des principaux vecteurs d’empathie. Cette absence peut donc entraîner d’autant plus rapidement le désinvestissement du spectateur.

En somme, tout est loin d’être parfait dans ce deuxième volet des Trois Mousquetaires et à fortiori dans l’entièreté de la duologie. L’adaptation, que ce soit d’une vie ou d’une œuvre, est très complexe, elle l’est d’autant plus lorsque son sujet est un des monuments les plus importants de la littérature. Cependant, on peut noter l’ambition sans concession du projet et sa réussite sur plusieurs aspects fondamentaux : raconter un récit complet et riche ; faire un film d’action qui n’est pas une tentative cheap de blockbuster à l’américaine. Ainsi, l’espoir de voir dans les prochaines années de grosses productions françaises à la fois divertissante et intelligente voit le jour. Espoir que j’avais, personnellement, laissé tomber depuis bien longtemps.