Legacy de Yann Arthus-Bertrand, un état du monde et de ses habitants

SOURCE CHAUDE DU GRAND PRISMATIC, PARC NATIONAL DE YELLOWSTONE, WYOMING, ÉTATS-UNIS
SOURCE CHAUDE DU GRAND PRISMATIC, PARC NATIONAL DE YELLOWSTONE, WYOMING, ÉTATS-UNIS (44° 31’ N – 110° 50’ O), détail. Situé sur un plateau volcanique qui chevauche les États du Montana, de l’Idaho et du Wyoming et créé en 1872, Yellowstone est le premier et le plus ancien parc national du monde. Alors que les États-Unis achevaient la « conquête de l’Ouest » et massacraient les derniers bisons, certains eurent l’intuition que la nature devait être protégée. Le parc s’étend sur 9 000 km2 et présente la plus grande concentration de phénomènes géothermiques du globe, avec plus de 300 geysers, et des milliers de fumerolles et sources chaudes. D’un diamètre de 112 m, le Grand Prismatic est le bassin thermal le plus vaste du parc, et le troisième au monde par sa taille. Le spectre de couleurs qui lui a valu son nom est dû en son centre à la profondeur de l’eau et, à la périphérie de la vasque, à la présence d’algues microscopiques dont la croissance dans l’eau chaude, diffère en fonction de la température. Réserve de la biosphère depuis 1976, inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en 1978, le parc national de Yellowstone reçoit près de 4 millions de visiteurs chaque année, essentiellement entre les mois de mai et d’octobre. Le continent nord-américain, où sont situés les cinq sites naturels les plus fréquentés du monde, a accueilli plus de 137 millions de touristes internationaux en 2017, soit plus de 10 % des 1,326 milliard de touristes internationaux comptabilisés cette année-là. À l’échelle du monde, l’activité touristique représente plus de 10 % du PNB mondial. S’il représente 277 millions d’emplois directs, indirects et induits, l’industrie du tourisme et des voyages impacte négativement l’environnement, les ressources naturelles et les cultures locales. www.yannarthusbertrand.org

Le parc du Beffroi de Mons accueille depuis le 4 juillet 2020 l’expo LEGACY : l’héritage que nous laissons à nos enfants consacrée à Yann Arthus-Bertrand. Jamais auparavant le travail du photographe et militant écologiste français n’a eu autant de sens. À une époque où l’homme s’approprie la nature, la détruit pour bâtir à sa place, où les forêts brûlent et où les glaciers fondent, l’artiste propose plus de 80 clichés représentatifs de l’état du monde et de ses habitants depuis bientôt trois décennies.

La terre vue du ciel

Présentées dans le parc du Beffroi et dans la salle Saint-Georges à Mons, les photographies sont pour la plupart issues de son projet La terre vue du ciel. Photographier et documenter le monde, voir son évolution et les causes des changements écologiques et sociaux, c’est le projet que mène Yann Arthus-Bertrand depuis 1993. Au total, il a photographié plus de 70 pays et répertorié plus de 14 300 lieux sur tous les continents. Il entreprend avec sa femme un projet complexe car très coûteux. Les autorisations de vol sont difficiles à obtenir pour certains pays. Après avoir obtenu et perdu plusieurs sponsors, l’Unesco leur accorde son parrainage.

Le projet à un but informatif. Chaque cliché est accompagné d’un texte écrit par l’artiste sur le contexte de celui-ci. L’artiste dit à ce propos qu’il « souhaite cependant qu’ensemble nous explorions le monde plus profond que ce que la surface de l’image montre ». Car au cœur du projet de l’artiste, c’est l’homme qui occupe la place centrale. Ses modes de vie, la relation qu’ils entretiennent entre eux et avec la nature, leurs actions et les conséquences sur le monde qui les entoure sont les thèmes de sa série de photographies.

Après 10 ans, l’artiste est prêt à exposer ses clichés mais les musées refusent à tour de rôle de présenter son travail. Ses clichés sont finalement accrochés sur les grilles du Sénat de Paris et connaissent un énorme succès. Yann Arthus-Bertrand invente le concept d’exposition photo à ciel ouvert. Plus tard, ses œuvres sont regroupées dans un livre au même nom, soutenu encore une fois par l’Unesco. Il deviendra le livre de photographies le plus vendu au monde avec plus de 4 millions d’exemplaires.

Festival religieux de la Kumbh Mela sur les bords du Gange, Allahbad, Uttar Pradesh, Inde
Festival religieux de la Kumbh Mela sur les bords du Gange, Allahbad, Uttar Pradesh, Inde (25° 26’ 13,10” N – 81° 53’ 25,62” E) © Y.Arthus-Bertrand
Le pèlerinage religieux de la Kumbh Mela rassemble plusieurs millions de fidèles de l’hindouisme sur les rives du Gange, à la confluence avec la rivière Yamuna. Sa date est déterminée à partir d’un calendrier astral et des positions respectives du Soleil, de la Lune et de Jupiter. Une fois tous les douze ans, il atteint des proportions gigantesques et attire jusqu’à 6 millions de personnes sur une durée de deux mois, comme ce fut le cas d’après certaines estimations en 2013. C’est le plus grand rassemblement humain du monde. Des villes de tentes sortent de terre le long du fleuve et des ponts flottants provisoires sont installés afin d’accueillir les pèlerins durant quarante-cinq jours.
Ils viennent se baigner dans le Gange pour se purifier et se laver – eux-mêmes et leur ascendance – de leurs péchés. D’autres religions organisent des pèlerinages pour les croyants en des lieux et à des dates déterminées. Ainsi, près de 5 millions de musulmans se rassemblent chaque année au douzième mois lunaire du calendrier musulman dans la ville de La Mecque, en Arabie Saoudite. Quelque 15 millions de catholiques visitent chaque année le sanctuaire de Notre-Dame de Guadalupe, au Mexique, tandis qu’ils sont environ 6 millions à se rendre au sanctuaire de Lourdes, en France.
www.yannarthusbertrand.org

De la France au Kenya

D’autres clichés de l’artiste issus de séries moins connues sont exposés à la salle Saint-Georges. On y évoque entre autres ses débuts dans la photographie au Kenya, lorsqu’il s’y installe avec sa femme durant trois ans pour observer et documenter la vie des lions. Cette expérience lui permettra de publier son premier livre. Une autre partie de l’exposition regroupe des clichés de sa série sur les Français, commencée au début des années 1990 pour les 40 ans du journal L’Express. Celle-ci offre une fresque sociologique de du pays sous la forme de portrait sur fond neutre, qu’il recommencera en 2000 et 2019. En partant du même modèle de portait sur fond neutre, il s’installe avec son matériel au salon de l’agriculture pour photographier les animaux et leur propriétaire afin de capturer le lien particulier qu’ils partagent. Il reconduira l’expérience pendant plus de 10 ans.

Lions à la chasse aux gnous, Réserve nationale du Maasaï Mara, Kenya © Y.Arthus-Bertrand
Lions à la chasse aux gnous, Réserve nationale du Maasaï Mara, Kenya © Y.Arthus-Bertrand
Habituellement ce sont les lionnes qui chassent pour le groupe. Lors de la gigantesque transhumance des gnous, les lions chassent exceptionnellement, l’occasion est trop belle. La qualité des proies est si impressionnante, et si facile d’accès qu’ils tuent par plaisir. C’est un vrai massacre.
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6 milliards d’autres

Motivé par l’envie de toucher un public encore plus large, il se lance dans la réalisation d’un premier long métrage, Home, aidé par Luc Besson. Il y relate l’état de la planète en 2009. Le film sort gratuitement sur internet et à la télévision. Il est projeté sur le Champ-de-Mars à Paris. Yann Arthus-Bertrand réalise ensuite 6 milliards d’autres et Human, regroupant des interviews des personnes provenant de 45 pays et des images aériennes. Projeté en avant-première aux Nations Unies, le film sera encore diffusé gratuitement par la suite.

En présentant plus de 80 clichés la rétrospective Legacy de Yann Arthus-Bertrand génère chez le spectateur un questionnement sur l’environnement, la consommation, l’homme, et sur la place de l’humanité au sein d’une nature de plus en plus restreinte et maîtrisée. À l’aube d’une époque où les prises de consciences se font et où les changements s’opèrent afin de corriger les erreurs du passé, il est nécessaire que cette exposition continue d’être montrée aux quatre coins du monde.

Infos pratiques

  • Où ? Site du Beffroi et Salle Saint-Georges, 7000 Mons, Belgique.
  • Quand ? Du 4 juillet au 25 octobre 2020.
  • Combien ? 6 EUR au tarif plein. 4 EUR pour le tarif réduit.
A propos Anaïs Staelens 59 Articles
Responsable de la rubrique Arts/Expos Journaliste du Suricate Magazine