Le dernier Syrien ou les désillusions des jeunes révolutionnaires

Couverture du roman « Le dernier Syrien » d’Omar Youssef Souleimane (J’ai lu, 2022)

Titre : Le dernier Syrien
Auteur : Omar Youssef Souleimane
Éditeur : J’ai lu
Date de parution : 9 mars 2022
Genre : Roman

Initialement paru chez Flammarion en 2020, Le dernier Syrien d’Omar Youssef Souleimane est désormais disponible en poche dans la collection « J’ai lu ». Ce court roman évoque la guerre civile syrienne à travers les craintes et les espoirs d’un groupe de jeunes gens entre Damas et Homs, deux des principales villes du pays. Un récit à la fois tendre et brutal par un ancien journaliste syrien aujourd’hui exilé en France.

Les espoirs nés du Printemps arabe

En 2011, la jeunesse syrienne sort dans la rue pour réclamer plus de libertés et la fin du régime répressif de Bashar al-Assad. Ces manifestations s’inscrivent dans un mouvement de contestation plus vaste qui touche de nombreux pays du Maghreb et du Moyen Orient – ce qu’on a très vite appelé « le Printemps arabe ». Quelles étaient les motivations des manifestants en Syrie ? Comment ont-ils trouvé le courage de manifester à visage découvert, tout en sachant que les services de sécurité pouvaient les arrêter à tout moment, les emprisonner et les torturer pour le simple fait d’avoir osé contester le régime ?

Dans Le dernier Syrien, Omar Youssef Souleimane raconte les évènements à travers un groupe de jeunes adultes laïcs épris de liberté. Joséphine, Youssef, Aled, Khalid… chacun a ses propres raisons de manifester. Qu’il s’agisse de dénoncer les violations des droits de l’homme, de lutter contre le conservatisme social, ou tout simplement « de se sentir vivant ».

Laïcs contre religieux, alaouites contre sunnites

À travers des chapitres extrêmement courts alternant entre les points de vue des différents personnages, le lecteur s’immerge peu à peu dans le quotidien des manifestants. Muhammad, contrairement aux autres, fait peu de cas de la révolution et pense avant tout à assouvir son désir pour d’autres hommes. Car comment croire qu’un changement de régime soutenu en partie par les musulmans conservateurs puisse accorder une meilleure reconnaissance aux homosexuels ?

Si les populations sunnites et alaouites ont longtemps cohabité paisiblement dans les grandes villes syriennes comme Damas, Homs ou Alep, les tensions créées par la révolution les ont monté les unes contre les autres. Alors que les jeunes laïcs espèrent faire de la Syrie un État libéral multiconfessionnel, les extrémismes sunnites prennent peu à peu le contrôle de l’opposition, menaçant d’imposer une réislamisation de la société.

Un régime prêt à tout pour rester au pouvoir

Sans surprise, Le dernier Syrien comprend de nombreuses scènes très dures, de la violence policière en rue aux tortures et sévices sexuels imposés aux opposants par les services de renseignement en passant par le refus des hôpitaux publics de soigner ces « rats de l’opposition ». Toutefois, cette dureté est atténuée par un style aéré accordant une place importante aux dialogues et à la correspondance entre Muhammad et Youssef. Une façon d’aborder l’un des conflits les plus violents de ce début de XXIe siècle à travers ses aspects humains les plus intimes – loin des documentaires télévisés enchaînant les scènes de désolation dans un pays en ruines.

A propos Soraya Belghazi 378 Articles
Journaliste