New Horizons in Painting, un nouveau souffle sur la peinture contemporaine à l’ISELP

Marie-Sophie Beinke, Die Vier Jahreszeiten (Les Quatre Saisons), 2021, Huile sur toile, impression numérique sur papier et carton mousse, Série de quatre toiles © / courtesy : l’artiste
Marie-Sophie Beinke, Die Vier Jahreszeiten (Les Quatre Saisons), 2021, Huile sur toile, impression numérique sur papier et carton mousse, Série de quatre toiles © / courtesy : l’artiste

New Horizons in Painting, la nouvelle exposition de l’ISELP à Bruxelles, présente les œuvres de neuf peintres belges de la nouvelle génération : Chloé Arrouy, Marie-Sophie Beinke, Dennis Ceylan, Tom Chatenet, Yann Freichels, Amat Gueye, Diego Herman, Audrey Marques Miller et le collectif Moindres Choses.

Un nouvel accueil

L’Institut, dont l’entrée se situait auparavant sur le grand Boulevard Waterloo, a désormais restructuré son accueil, de telle sorte que les visiteurs découvrent désormais l’endroit via le passage de Milan, une belle petite rue pavée qui longe le bâtiment et mène au parc d’Egmont. L’accueil est épuré, structuré par du bois clair. L’occasion de redistribuer des questionnements qui touchent tant à l’urbanisme qu’à l’art et à son public. La nouvelle exposition proposée, New Horizons in Painting, témoigne de la pluralité esthétique de la peinture contemporaine. Elle invite de jeunes peintres tout juste sortis de l’école d’art régionale pour expérimenter ce médium. Les étudiants ont peu l’occasion d’exposer leur travail hors de leur cercle lors de leurs années d’étude et de post-étude. C’est donc dans un esprit de nouveau souffle et d’ouverture que leurs démarches artistiques entrent en dialogue les unes avec les autres. L’hétérogénéité des œuvres permet d’aborder la peinture sous un aspect multiforme.

La peinture comme prise de conscience de l’espace

Les peintures de Tom Chatenet nécessitent une attention active de la part du spectateur. En effet, les nombreux éléments abstraits créent un ensemble complexe où couleur et formes symboliques se connectent. Ce langage visuel surréaliste est à la fois familier et inattendu. Le grand format est adapté à cette lecture transversale qui transmue la griffe du peintre en un haïku énigmatique.

C’est l’aspect grillagé du style graphique de Diego Herman qui qui frappe en premier lieu. La toile semble se diviser en plusieurs plans évoquant les barrières territoriales où les infrastructures sont là pour surveiller et punir, mais aussi pour protéger. Le flou de la matière et les coloris contrastés permettent de pénétrer un univers où onirisme et politique se confrontent.

Diego Herman, Untitled (détail), 2021 © / courtesy : l’artiste
Diego Herman, Untitled (détail), 2021 © / courtesy : l’artiste

Avec les vidéos du collectif Moindre Chose, les visuels picturaux sont à chercher dans un quotidien qui forme sans cesse des tableaux plutôt que dans un univers parallèle. Qu’il s’agisse d’un terrain vague, de paysages à la fenêtre d’un train, ou d’escalators, le montage vidéo aborde la banalité du réel à travers des plans serrés, captant toute la force visuelle des éléments mineurs.

Figuration elliptique

La technique colorée de Yann Freichels rend aux figures humaines représentées une consistance aquatique. Celles-ci se transposent dans des saynètes teintées de cynisme. La touche figurative créé des tableaux atypiques où des sentiments mitigés se lisent – angoisse et rire abreuvent l’acrylique ecchymosé.

Le travail d’Audrey Marques Miller est riche en référence et strates littéraires. Mishima, Exupéry ou encore Dante, imprègnent la matière picturale de façon explicite puisque l’artiste accompagne souvent ses tableaux de citations. Il s’agit d’un procédé similaire à celui d’un archiviste puisque c’est à partir de l’arrimage entre passé et présent que visuels et force textuelle font corps. Une émulsion plus narrative que didactique permet d’entrechoquer plusieurs courants de pensée.

Le corps à l’épreuve des matériaux

Chez le sculpteur Dennis Ceylan, les affects et complexes se transmuent dans des formes mi-abstraites mi-figuratives. Telluriques, ses pièces sont imprégnées d’une dimension tactile qui nous connecte à notre rapport au charnel et questionne nos idéaux esthétiques. Ces sculptures permettent également de souligner que la peinture ne se déploie pas uniquement sur surface plane.

Dennis Ceylan, Bahcak I, 2020, céramiques émaillées Photographie © Stijn Cole / courtesy l’artiste
Dennis Ceylan, Bahcak I, 2020, céramiques émaillées Photographie © Stijn Cole / courtesy l’artiste

Le peintre Amat Gueye produit des pièces qui dialoguent avec la technicité photographique puisque que c’est sur papier d’impression qu’il assoit la matière picturale. Une harmonie visuelle qui cerne le médium sous des angles inattendus. La surface matérielle devient alors mouvante et l’on est tenté de tendre l’oreille à fin d’en saisir la qualité sonore.

Les œuvres de Chloé Arrouy réveillent un imaginaire médiéval. Les rouages des instruments de torture qui hantent le système punitif de l’époque crissent au rythme des coups de pinceau. À ces tableaux-installations, elle mêle poésie et sorcellerie, ce qui insuffle à la froideur des matériaux un ésotérisme symbolique. Leur incarnation dans l’espace permet de projeter notre corps en symbiose avec ces structures et de réveiller des peurs ancestrales.

Enfin, l’exposition porte un projet artistique qui dépasse la notion de médium et de genre. C’est ce que souligne Marie-Sophie Beinke, dont la position est plus critique qu’artistique, en prenant nos attentes et nos schémas mentaux en tant que spectateur pour objet. Ces pratiques artistiques émergentes sont concomitantes à des questions d’actualité : les tableaux tentent de défiger les notions de mode et de succès, prenant le parti de centrer le débat sur la création de lien social que suscite le processus artistique.

Infos pratiques

  • Où ? ISELP, Boulevard de Waterloo 31, 1000 Bruxelles.
  • Quand ? Du 1er avril au 28 mai 2022, du mardi au samedi de 11h à 18h.
  • Combien ? Entrée libre.