« La Fille du batelier », dans les tréfonds de l’horreur

Titre : La Fille du batelier
Auteur : Andy Davidson
Editions : Gallmeister
Date de parution : 2 février 2023
Genre : Thriller

Ce n’est pas Andy Davidson qui dira le contraire : le Bayou représente une source romanesque intarissable. Ses eaux opaques qui regorgent de secrets et ses arbres à l’écorce noueuse qui tressent des ombres sur le lichen en font une terre fertile pour l’imagination. C’est, d’ailleurs, en creusant le sol marécageux de cette contrée de Louisiane que l’écrivain américain déterre l’histoire sordide de Miranda, une jeune fille qui, après la mort de son père, se voit obligée de revendre de la drogue pour un pasteur fou et un flic corrompu. Et pour cause, l’orpheline a des responsabilités. Elle doit s’occuper d’une vieille sorcière et d’un enfant-poisson dont les destins sont liés au sien depuis le soir de la tragédie. Mais quand le nain passeur avec qui elle travaille lui annonce la date d’un dernier convoi, elle sent que celui-ci pourrait bien lui être fatal.

La Fille du batelier porte l’étiquette du thriller horrifique, avec un soupçon de fantastique. C’est d’ailleurs probablement la pénétration très crue du réel – avec cette organisation criminelle au cœur de l’histoire – dans le monde de l’imaginaire qui fait vraiment la force du livre. C’est un parti-pris dont naissent des rencontres improbables notamment entre des esclaves sexuels et des monstres ancestraux. Mais à la lisière de deux univers – entre les eaux troubles du rêve et la tangibilité de la terre ferme – La Fille du batelier est aussi susceptible de dérouter. Son histoire ne séduira probablement pas tous les lecteurs.

Il faut rendre à César ce qui appartient à César, l’écriture de Davidson est admirable. L’auteur ne manque pas de vocabulaire pour dépeindre ce que la nature de cette région a de plus luxuriant. Il campe ses décors comme s’il s’y était lui-même installé. Il n’est pas en reste non plus quand il s’agit de décrire les diverses manœuvres de navigation, ainsi que tout l’équipement nécessaire au bon batelier. Bref, on y croit carrément. Mais peut-être qu’en comparaison avec la richesse de ses descriptions animales, végétales et même matérielles, ses personnages souffrent un peu de leur manichéisme. Miranda dont il insiste sur la longueur interminable des jambes, fait se retourner tous les hommes. Après tout, pour battre les méchants qui sont vraiment très méchants, le courage et la force ne lui aurait pas suffi. Il fallait aussi qu’elle soit belle.