« The Northman », anomalie mystique au coeur d’Hollywood

The Northman
de Robert Eggers
Action, Historique, Thriller
Avec Alexander Skarsgård, Claes Bang, Nicole Kidman
Sorti le 20 avril 2022

Robert Eggers continue son exploration des mythes et folklores dans une épopée vengeresse âpre, violente et cauchemardesque.

Avec The Witch et The Lighthouse, Robert Eggers a imposé une vision singulière dans le cinéma de genre à travers des expériences viscérales sondant nos peurs où se mêlent mystères, visions fantasmagoriques, personnages empoisonnés et piégés. Quand on apprend qu’il se voit confier les rênes d’un blockbuster à 80 millions de dollars, impossible de ne pas cacher un mélange d’excitation et d’appréhension. L’excitation de voir un auteur s’offrir une superproduction radicale à la hauteur de ses ambitions, l’appréhension de le sentir cadenassé par volonté d’élargir son audience.

Tiré d’un conte danois (qui inspirera Shakespeare), The Northman suit la destinée d’Amleth, un viking lancé corps et âme dans une quête vengeresse depuis l’enfance, suite au meurtre de son père et l’enlèvement de sa mère par son oncle. Si son histoire très classique témoigne d’une première concession, le film de Eggers puise sa force (mais aussi l’une de ses faiblesses) dans son personnage principal interprété par Alexander Skarsgård, habité d’une bestialité qui bouffe l’écran. Une colère aveugle et imperturbable captée avec une caméra unique tout du long au service d’une expérience viscérale plongée dans l’immensité de ses paysages islandais et soutenue par une photographie et des plans-séquence à s’en décrocher la mâchoire. The Northman déploie une violence sourde et rare dans le cinéma hollywoodien, se permettant même de convoquer l’horreur d’un Requiem pour un Massacre au détour de la prise meurtrière d’un village.

Économe dans ses émotions à cause du caractère monolithique de son Amleth, la saga viking de Eggers se rattrape lorsqu’elle évoque la mythologie et le folklore qui entoure son univers et grâce à son panel de seconds rôles, allant du magnétisme de Anya Taylor-Joy à la folie de Willem Dafoe en passant par Nicole Kidman, impériale dans son rôle de reine kidnappée.

S’il n’est pas la proposition la plus audacieuse de son auteur et ne retrouve pas le mystère et la bizarrerie de ses précédents films, The Northman n’en demeure pas moins son expérience la plus accessible, épique mais aussi frontale. Pas dénué de défauts mais doté d’une radicalité qui fait figure d’anomalie dans un cinéma hollywoodien en état léthargique, difficile de ne pas le recommander et d’encourager ce genre de démarche bien trop précieuse aujourd’hui.