« Jour sans retour », la théologie et le nazisme

Titre : Jour sans retour
Autrice : Kathrine Kressmann Taylor
Editions : Autrement
Date de parution : 6 octobre 2021
Genre : Roman historique

La mise en place diabolique et retorse d’une idéologie nauséabonde. Ca ne sentirait pas les nazis tout ça ?

En 1942, quatre ans après la sortie du percutant Inconnu à cette adresse – souvenez-vous c’est ce roman épistolaire tout riquiqui mais qui nous a tous mis KO – Kathrine Kressmann Taylor publie Jour sans retour. L’autrice américaine, contrainte de gommer de son nom de plume toute connotation féminine, évoque une fois encore les prémices de la Seconde Guerre mondiale.

Elle situe son histoire au début des années 30, au moment de l’émergence du parti nazi en Allemagne. Karl Hoffmann, étudiant en théologie à Berlin, suit les pas de son pasteur luthérien de père. Si jusque-là on parlait d’Hitler comme un hyperactif ambitieux à la logorrhée pénible, la situation des Allemands se dégrade quand le parti national-socialiste s’immisce dans les affaires de l’Etat mais aussi dans celles de l’université et plus particulièrement au sein du département de théologie.

Dans Jour sans retour, la barbarie sanglante des SS est peu évoquée – enfin un petit peu, on parle quand même des nazis. L’autrice a surtout voulu décrire la mise en place d’un système ignoble et implacable ainsi que la manipulation de masse imaginée par Hitler, qui a agi en passant par l’élément auquel beaucoup de citoyens allemands se raccrochaient dans cette période complexe d’après-guerre : l’Eglise. Cela ira de l’enseignement de la religion revu et corrigé à la sauce aryenne, à l’envoi dans des camps de concentration des professeurs, étudiants et pasteurs insoumis, en passant par des prêches dominicaux loin d’être catholiques. Leur but : que le nazisme devienne une religion et Adolf Hitler son dieu.

Si le livre a un tel parfum d’authenticité, c’est que Karl Hoffmann (un nom d’emprunt pour des raisons de sécurité en cette année 1942) a rencontré Kathrine Kressman Taylor par l’entremise du FBI. Le jeune homme, recherché par les autorités nazies, a fui l’Allemagne pour se réfugier aux Etats-Unis et tenait à dévoiler au reste du monde le calvaire vécu par son peuple.

L’autrice a romancé avec brio le récit du jeune homme principalement axé sur la réponse la plus logique et la plus courageuse face aux lois d’un dictateur : la Résistance. On y découvre sa propre entrée en Résistance, celle des ses proches et celle de nombreux citoyens qui mordaient sur leur chique pour lever le bras devant le moustachu et toute sa clique.

Quand on parle de Résistance, on pense notamment aux tracts, aux faux-papiers, à la dissimulation de Juifs ou encore aux attentats contre les SS. Ajoutez-y des cours nocturnes clandestins et des cercles de discussion et de réflexion tout aussi clandestins, suivis par des étudiants à qui l’on impose la journée des cours de théologie estampillés « garanti 100% nazi » au sein d’une université qui a désormais perdu son indépendance.

Avec une honnêteté désarmante, le jeune homme fait également part des doutes qui l’ont parfois assaillis quant à la facilité qu’il aurait eu à se laisser aller dans les méandres du nazisme pour laisser au vestiaire ses comportements et pensées paranoïaques de résistant.

Il y a encore tant et tant à dire ! Mais le mieux serait tout simplement de lire ce roman-témoignage essentiel, très justement réédité, qui vous permettra d’appréhender la Seconde Guerre mondiale par le prisme plus inhabituel de la religion. Que vous soyez amateurs de littérature ou d’Histoire, vous serez happé dans cet ouvrage qui ne manquera pas de faire réagir ou du moins réfléchir, que l’on soit croyant ou non, que l’on soit en 1937 ou en 2022, que l’on soit en Allemagne ou à l’autre bout du monde.