« Inside », dans la douleur

Inside
de Vasilis Katsoupis
Drame, Thriller
Avec Willem Dafoe, Gene Bervoets, Eliza Stuyck
Sorti le 29 mars 2023

Nemo, voleur d’œuvres d’art chevronné, se retrouve prisonnier du penthouse new-yorkais qu’il tente de dévaliser. Pris au piège, l’homme est entrainée dans une lutte pour sa survie qui le mènera aux confins de la folie et de la création. Un film pompeux et décoratif au service d’une vision doloriste et bien triste de l’art.

Centré autour d’une idée dont la simplicité fait la force – un cambrioleur d’œuvres d’art prestigieuses coincé dans un penthouse high-tech -, Inside repose avant tout sur une promesse de taille. Celle de proposer un récit haletant, riche en péripéties, dans un cadre conceptuel qui en limite les possibilités. Un défi qui permet au passage de s’attirer la sympathie du spectateur, dont la curiosité le poussera souvent à aller vérifier si et comment le pari est remporté. Il n’y a qu’à penser au nombre de films exploitant un principe similaire pour se convaincre de sa santé auprès des cinéastes : Cast Away, Buried, All is Lost, The Martian ou encore Oxygen, pour ne citer qu’eux. Malgré l’implication totale de Willem Dafoe et quelques idées intéressantes égrenées ici et là, ce premier long-métrage de fiction de Vasilis Katsoupis peine à satisfaire nos attentes, et laisse son spectateur aussi affamé que le protagoniste dont il vient de suivre la déchéance.

Sachant bien l’histoire qu’il veut raconter, le film démarre sans contextualisation, et se débarrasse très vite de son intrigue. Nemo, casseur aguerri, est parachuté sur le toit d’un appartement de Manhattan dans lequel il doit dérober des toiles de maitre. Mais, suite à une malfonction de l’alarme, les accès sont verrouillés et notre malfaiteur se retrouve pris au piège. Il découvre dans la foulée que ce loft est déshumanisé au point que le simple fait d’y survivre sera compliqué : le réfrigérateur est vide, le téléphone coupé, et sa seule source d’eau est un arrosage automatique intermittent. Pour couronner le tout, l’air conditionné alterne entre une chaleur écrasante et un froid polaire. Passées les premières minutes consacrées à la découverte de cette prison dorée, le film se recentre en une étude de caractère de son unique personnage, dont Katsoupis contemple la lente descente aux enfers. De tous les plans, Dafoe et son corps émacié gesticule, se contorsionne, éructe, pisse et chie, avec un engagement qui force le respect. Habitué aux rôles de déments, le comédien livre une prestation honnête mais finalement attendue, ce qui ne bénéficie malheureusement pas au film. Il aurait peut-être été plus efficace de confier ce travail à un acteur peu familier de telles performances, plus prompt à nous emmener avec lui dans sa part d’ombre.

A mesure que le personnage de Nemo sombre dans la folie, le film se mue en une métaphore pompière sur la souffrance inhérente à la création artistique. Alors que son humanité part en lambeaux (Nemo défèque dans une baignoire, mange de la pâtée pour chien, lèche le congélateur pour s’hydrater), il renoue avec sa fibre créatrice, et, comme frappé par l’inspiration divine, transforme le chaos dans lequel il a plongé ce penthouse en une œuvre dont la mise en scène cérémonieuse voudrait nous signifier le génie. A grand renfort d’une voix off assénant la nature supérieure de l’art sur toute autre activité humaine, pontifiant sur la destruction nécessaire à la création, Inside nous ressert le mythe bien réchauffé de l’artiste maudit. Mis au ban de la société, incompris, en profonde souffrance, l’artiste maudit puise son inspiration dans ses émotions négatives, et ça c’est beau. C’est peu ou prou le message que le film s’évertue à faire passer au terme de ses cent-cinq minutes, et on est en droit d’être franchement gonflé par cette vision doloriste de l’art. Avec une conception aussi périmée et nocive pour la création (qui, n’en déplaise au réalisateur, s’envisage aussi très bien dans la joie), il n’est pas étonnant de constater que Vasilis Katsoupis accouche en définitive d’une oeuvre creuse et désincarnée, quoique joliment décorative – un peu comme un tableau ravissant qu’on achète pour assortir au canapé.