Her de Spike Jonze

her affiche

Her

de Spike Jonze

Drame, Romance

Avec Joaquin Phoenix, Scarlett Johansson, Amy Adams, Rooney Mara, Chris Pratt, Matt Letscher, Portia Doubleday

Sorti le 19 mars 2014

Critique :

Dans un futur proche, Théodore Twombly fait l’acquisition d’une intelligence artificielle délicieusement prénommée Samantha. Cette dernière se voit confier pour mission de redonner goût à la vie à son utilisateur, inconsolable suite au départ de sa femme. Le résultat est forcément au dessus de toutes espérances, et bientôt Samantha et Théodore tombent amoureux.

De ce grand sujet SF – Quel devenir humain pour la machine ? – Spike Jonze n’aborde que les contours, ignorant ses vertigineuses profondeurs (Jonze, cinéaste de surface. On y reviendra). Au final rien de bien grave de ce côté-là, puisque à l’instar d’un Vidéo Girl Aie (pour ceux qui ont lu ce petit bijou), Her lorgne davantage vers le drame romantique que vers le récit d’anticipation.

Le principal défaut de ce film, il faudra le chercher dans cette curieuse schizophrénie qui amène le film à diagnostiquer un mal – une profonde insatisfaction face au réel – et en encourager cependant la phase terminale, à savoir un transfert de valeurs vers l’artificiel.

Ainsi Théodore souffre de cette réalité décevante qu’il tente de fuir tant bien que mal.

Cette demande de réel augmenté, c’était déjà celle – par principe – d’un format, le vidéo clip, dont est issu Spike Jonze. De ces petits moments de bravoure fantasques (Christopher Walken dansant dans les airs) jusqu’à Her, le cinéma de Jonze décrit de la même manière un mouvement, celui d’une fuite en avant hors du réel (Dans la peau de John Malkovich, Max et les Maximonstres).

Hélas chez Spike Jonze, le salut a toujours un goût de superficiel. La faute à un cinéma esthetico-frigide dont le problème a souvent été de ramener tout à un épais vernis, trop lisible pour être passionnant, trop léché pour être sincère. En gratter la surface, c’est prendre le risque de tomber sur du vide.

Si l’esthétique de Her reste assurément ambitieuse et maîtrisée (celle d’une Californie Google, technologiquement humaine voire humaniste), on aurait envie d’y voir ironiquement, dans ses moments les plus publicitaires, le symptôme de ce maladif besoin de réel sublimé qui ronge les personnages Jonzien (les souvenirs de Théodore ressemblent à des pubs Apple, patchwork d’images de son ex-femme baignant dans la lumière).

Or la solution, c’est bel et bien Samantha, cette intelligence artificielle découvrant le monde à travers ses yeux vierges de programme évoluant. Paradoxalement plus ‘vivante’ que l’ensemble des personnages humains de Her, Samantha enseigne à Théodore combien la réalité reste une source intarissable d’émerveillement, faut-il simplement réapprendre à la regarder. Il est alors possible, enfin, pour Théodore de se mettre à vivre à son tour.

Malheureusement, en ne se montrant jamais capable d’appliquer l’enseignement de Samantha, de saboter son vernis sophistiqué pour revenir à une pureté de regard, Spike Jonze nous prive de cette bouffée d’air salvatrice.

L’avenir de l’IA pensante selon Spike Jonze ? Une héroïne de romance indé Sundance. Samantha n’aura finalement jamais dépassé le stade de l’artificiel. Dommage.

A propos Léopold Pasquier 4 Articles
Journaliste du Suricate Magazine

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