Hellhole, une peinture du ciel bruxellois après les attentats

Hellhole
de Bas Devos
Drame
Avec Hamza Belarbi, Willy Thomas, Lubna Azabal
Sorti le 20 mars 2019

Le film a été présenté en première mondiale le vendredi 8 février au festival du film de Berlin.

Place de la Bourse. “Je ne me souviens même plus de ce que j’ai vu en premier : les fleurs, ou l’image de ces fleurs.”

En chasse, les journalistes belges et étrangers ont déferlé sur la Place de la Bourse, ils ont planté leurs tentes et garé leurs camionnettes, à l’affut de la moindre scène potentiellement vendeuse, à la recherche de Bruxellois endeuillés prêts à se livrer à des entrevues touchantes. Les images des jours qui ont suivi les attentats à Zaventem et à Maelbeek ont envahi nos écrans, ceux du monde occidental. Molenbeek était sur toutes les bouches, et Bruxelles est devenu un “hellhole” dans celle de Trump.

Mais qu’est-ce que vraiment Bruxelles juste après les attentats du 22 mars 2016 ? Dans ce deuxième long métrage qu’il réalise, Bas Devos suit des âmes perdues à Bruxelles cette année-là. Il nous semble également qu’il tourne avec sa caméra comme pour rendre justice à ces Bruxellois qui se sont sentis dépossédés de leur propre image, et qui n’ont pas pu faire leur deuil collectif comme ils l’auraient voulu. Quoi qu’il en soit, le réalisateur flamand livre un film d’un rythme très lent, presque contemplatif… Hellhole apparait ainsi comme un tableau du calme après la tempête.

Hellhole dépeint des tranches de vies. Devos choisit pour muse les Bruxellois lambda, touchés malgré eux par les évènements sans en être directement victimes. Quatre personnages liés entre eux de près ou de loin font leur vie et tentent de gérer leurs émotions et leur solitude comme ils le peuvent.

Il y a Mehdi, un jeune ado qui évolue en silence parmi ses camarades de classe, ses amis, les membres de sa famille. Partagé entre l’envie d’aider son grand frère trempé dans des affaires un peu louches et la loyauté envers ses parents, il rêve d’une vie tranquille, et souffre aussi. Un peu.

Il y a Wannes, ce médecin généraliste qui fait face à la mort, mais pas celle, brutale, qui fait suite aux bombes, non, la mort qui fait partie de la vie, la mort naturelle. Wannes qui, seul dans son appartement, parle via Skype à son fils militaire en mission en Moyen-Orient.

Il y a aussi Samira, infirmière dans un centre d’accueil, qui tente de vivre pleinement et par là-même incarne parfaitement l’idée, voire l’injonction, que “la vie continue” et qu’il y a effectivement une vie après la mort.

Il y a enfin Alba, une Italienne expatriée qui travaille comme interprète au Parlement européen. Exténuée, c’est par la vie nocturne qu’elle tente de gérer l’angoisse de vivre dans une grande ville nouvellement cible du terrorisme sans disposer de la présence et du soutien de ses proches. Alba ressent la peur que peut éprouver une femme seule et isolée dans cette ambiance.

Si les attentats de Bruxelles sont bien sûr le point de départ du film, celui-ci est surtout une peinture de l’ambiance post-attentat et de la manière dont les Bruxellois gèrent leurs émotions et vivent leur quotidien dans cette ambiance. Les acteurs jouent ces émotions et les faiblesses de leurs personnages avec beaucoup de force et de vérité. Parmi eux la talentueuse Lubna Azabal, récemment récompensée aux Magrittes pour son rôle dans Tueurs de François Troukens et Jean-François Hensgens.

À la place d’une représentation morbide de la violence, de la mort ou de la douleur, Hellhole s’avère être un concentré de pudeur, de tendresse et d’amour. La douleur se marie avec l’apaisement, le calme, le vide. La tendresse se fraye un chemin parmi les murs gris et humides de la ville. Bas Devos nous fait aussi longuement contempler le ciel… le ciel qui en fin de compte, n’a pas changé, lui.

Bien que peut-être un peu long et peut-être trop lent, Hellhole fera du bien aux Bruxellois qui se sentent touchés par ce qui s’est passé en mars 2016.