Gardenia – Before the last curtain falls

gardenia affiche

Gardenia – Before the last curtain falls

de Thomas Wallner et Eva Küpper

Documentaire

Avec Gerrit Becker, Andrea De Laet, Richard Dierick, Vanessa Van Durme

Sorti le 14 janvier 2015

Gardenia : Before The Last Curtain Falls raconte l’histoire d’une troupe de comédiens transsexuels de la soixantaine qui vivent la dernière représentation du spectacle de théâtre Gardenia qui les aura vu briller pendant deux ans dans le monde entier. Mais alors que le spectacle est fini, c’est le retour à la maison et à un quotidien plus terne qu’il ne l’était sur scène.

Le cinéaste germano-canadien Thomas Wallner explore un genre nouveau avec son huitième documentaire, Gardenia. Autant dire que son expérience en matière de documentaire l’amène à maîtriser ce style et nous offre un film d’une qualité esthétique indéniable. Par un montage expressif, on oscille en permanence entre la dernière du spectacle et la vie d’à côté, celle qui les attend.

Mais qu’en est-il de cette vie d’à côté ? Six des comédiens de la pièce nous ouvrent les portes de chez eux. Ils nous parlent d’un sujet fort, à savoir leurs orientations sexuelles dans la querelle intérieure que cela peut avoir. Du fait de se sentir femme, mais d’être né dans un corps d’homme. Comment le vivent-ils ? Le regard se veut intimiste, il est pourtant emprunt d’une certaine distance. Leurs histoires sont plus d’ordre anecdotique, et c’est dommage car les personnages sont tellement attachants qu’on aimerait en savoir plus. Mais ce manque est certainement dû au grand nombre de protagonistes que Wallner aura choisi de présenter dans son film. Ils sont si nombreux qu’on ne sait plus au final combien ils sont, ce qui malheureusement déforce les portraits qui nous sont présentés. Le spectateur ne saura se rappeler que de ceux ayant l’histoire la plus anecdotique. Il n’est alors plus qu’observateur, et son empathie ne peut être complète de par cette distance.

Cette distance qui vient souligner l’esthétisme cohérent du film est pourtant brisée lors d’une scène où un interviewer (muet tout le reste du film) demande le prénom de naissance de Vanessa. Celle-ci réagit violemment. Elle refuse de répondre, elle veut qu’on lui pose une autre question. Pourquoi laisser cette irruption dans le montage final alors que le film se veut lisse comme une statue de porcelaine bien polie ? Et c’est peut-être bien ma peine, de ne pas sentir davantage la dramaturgie du récit avec les crevasses qui animent la vie de ces gens. Non parce qu’ils sont transsexuels ou travestis, mais parce qu’ils sont humains. Et justement, les seuls vrais moments où on les sent exister, c’est lors du spectacle. Être travesti, n’est-ce qu’un show ? Plusieurs diront que c’est lors des représentations qu’ils peuvent être ce qu’ils sont. Ils ne jouent plus, ils sont.

Si le spectacle parle d’espoir, le film tend plutôt à une ode à la nostalgie de ce temps qui ne sera plus, et qui semble durer le temps de toute une vie, bien qu’il n’ait duré que deux ans, ce que l’on tend à oublier. Lors du spectacle, les spectateurs peuvent comprendre que même si les protagonistes changent de sexe, ils restent eux-même, parce qu’ils l’ont toujours été. Et c’est pourquoi lors de Gardenia, ils se sentent rayonner. Acceptés par la foule. Ils peuvent regarder les spectateurs à la lueur de la pénombre et crier “je suis moi, je suis une femme !”, et le jugement ne sera point.

Gardenia ne pouvait dès lors que commencer sur une empreinte nostalgique. Celle des yeux humides de Vanessa qui annonce au public la fin de leur aventure, personnage impliqué dans le spectacle vu que c’est l’une des initiatrices de la pièce Gardenia aux côtés des metteurs en scène Alain Platel et Franck Van Laecke.

C’est peut-être ce qu’on regrette le plus de Gardenia, de ne vivre que l’amertume d’un spectacle qu’on sait terminé. Où commence la célébration de leur vie telle qu’ils l’ont célébrée dans la pièce Gardenia ? Si Gardenia symbolise le nom d’une fleur blanche qui ne vit qu’un jour comme le dira Vanessa Van Durme dans l’une de ses interviews, est-ce que cela doit signifier que la chute du rideau de la dernière représentation vienne marquer la fin de cet espoir d’Être en toute sincérité ? Ou pour n’être qu’à travers la lumière des projecteurs de cette troupe de comédiens beaux et sensibles mais tiraillés à l’intérieur par leur identité sexuelle ?

In fine, même si le film ne répond pas à ces questions, il ouvre néanmoins un autre champ d’accès aux différents personnages, à savoir le thème de l’amour auquel nos artistes semblent croire de moins en moins, mêlé à l’angoisse de se voir vieillir. Ce qui est certain, c’est que lors de Gardenia, Vanessa et ses amis ont goûté à l’éternité.

A propos Aurore Wouters 15 Articles
Journaliste du Suricate Magazine

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