Fidélité criminelle, comédie noire au Théâtre des Galeries

De Chazz Palminteri, adaptation de Catherine Claeys, mise en scène de Claude Enuset, avec Catherine Claeys, Ronald Beurms et Serge Demoulin, du 7 février au 4 mars 2018 à 20h15 au Théâtre des Galeries

Alors qu’elle s’apprêtait à mettre fin à ses jours dans sa villa bourgeoise, Maggie se voit arrêtée dans son élan par Tony, un tueur à gages qui lui dit avoir été engagé par son mari Jack pour la supprimer. Va s’ensuivre un dialogue entre deux individus qu’apparemment tout sépare mais qui finiront par se rapprocher à travers leurs désespoirs respectifs.

Adaptée d’une pièce écrite et jouée par Chazz Palminteri – et portée à l’écran en 1996 avec Palminteri, Cher et Ryan O’Neil –, Fidélité Criminelle, la nouvelle production du Théâtre des Galeries avait de quoi dérouter ses spectateurs les plus fidèles, habitués à des pièces clairement plus délimitées par des genres et des tons bien précis. À en juger par les applaudissements polis et brefs en fin de représentation, c’est effectivement le cas.

Il faut dire que cette histoire trouble de prise d’otage et de tueur à gages a bien du mal à trouver son créneau, entre comédie noire sur le couple, faux-vaudeville à base de triangle – voire de quatuor – amoureux, et thriller en huis-clos sur fond de manipulations diverses. Cette incertitude et cette difficulté à choisir un pied sur lequel danser se trouvent bien évidemment dans le texte initial, qui semble souffrir originellement d’un manque de rythme assez flagrant, mais s’accroît probablement encore à la traduction et à l’adaptation, que l’on sent compliquées et laborieuses.

Si l’action se déroule toujours aux Etats-Unis, gardant par-là un contexte qui était sans doute indissociable du fond-même de la pièce, certaines subtilités du texte, concernant principalement le personnage de Tony, le mafieux au grand cœur, pâtissent sérieusement de la transposition en français tant l’on sent que les spécificités du langage de ce personnage, liées à ses origines et au milieu dans lequel il évolue, sont tout bonnement intraduisibles ou pour tout le moins difficiles à restituer.

Si certains aspects abrupts du texte semblent être respectés – on parle de la vie de couple et sexuelle de manière assez frontale –, la violence et la crudité intrinsèque au langage d’un mafiosi italo-américain des années 90, tel que représenté au cinéma et à la télévision durant cette période, manque bien évidemment à l’appel. Mais au détour de chaque réplique « lissée » du personnage, on entend ce qu’il manque, l’insulte fleurie qui viendrait revitaliser cette langue aseptisée.

Ce n’est pas le seul défaut de la pièce, loin de là. On peut également déplorer une psychologie de comptoir parfois pénible et un discours vaseux sur la fidélité, pétri d’une misogynie dont on ne sait trop si elle est censée condamner les personnages masculins, ou si elle est seulement routinière d’une écriture et d’un point de vue d’une autre époque.

Malgré tous ces points noirs qui ne favorisent franchement pas l’entrée dans une pièce assez mal-aimable, il faut dire que les performances des trois comédiens (Catherine Claeys, Ronald Beurms et Serge Demoulin), soutenant à bout de bras un texte qui ne leur rend pas forcément grâce, méritent à elles seules le déplacement et parviennent à maintenir l’intérêt dans un ensemble au mieux inégal.