« El Otro Cristóbal », le réalisme merveilleux au cinéma

El Otro Cristóbal
d’Armand Gatti
Fantastique, Politique
Avec Jean Bouise, Alden Knight, Bertina Acedevo, Pierre Chaussat
Sorti le 4 septembre 2019

Anastasio, dictateur d’une île imaginaire dont il est chassé par un coup d’Etat de l’archange Gabriel, meurt et se retrouve coincé au purgatoire. Décidé à rétablir son pouvoir sur terre, il s’échappe vers le ciel et détrône Dieu, appelé Olofi. C’est alors qu’il engage une guerre contre le révolutionnaire Cristóbal, prisonnier politique qui a été libéré pour être le nouveau chef de l’île. Les coups d’étoiles depuis le ciel tombent comme des bombes sur le village de Tecuman. Anastasio ouvre ensuite les pompes d’arrosage pour provoquer un déluge. Les conséquences en sont si tragiques sur terre que Cristóbal et ses compagnons se lancent à l’assaut contre le ciel.

Avec El Otro Cristóbal, nous sommes plongés dans un monde parallèle qui tente de nous donner un aperçu de l’atmosphère régnant à Cuba à l’époque de la crise des missiles. Sous la recommandation de Ernesto Guevara, Armand Gatti est en effet invité à réaliser un film qui puisse représenter Cuba au festival de Cannes de 1963 en évoquant la révolution qui a mû le pays. A l’heure où de nombreux films subissent la censure, Gatti choisit de s’exprimer sous une forme allégorique qui mêle le vécu politique de Cuba aux multiples réalités culturelles et spirituelles de sa population. Cette transcendance produit des scènes carnavalesques, enrobées d’humour mais teintées de mélancolie.

Aussi, la représentation désenchantée du ciel vient appuyer cet aspect théâtral et mélancolique de l’histoire. La plateforme céleste est sombre, désolée, composée de formes géométriques fabriquées avec des matériaux qui donnent une impression de débris et de déchets. Un lieu presque oublié où les êtres humains et les animaux ont déposé les vestiges de leur quotidien, leurs rêves désuets, leurs détritus, voire leurs carcasses. La terre apparaît donc comme un lieu bien plus désirable que le paradis, ce qui justifie le besoin de Cristóbal d’y revenir.

El Otro Cristóbal prend des airs d’épopée au fur et à mesure que le récit se développe, et semble par moment franchir la limite de l’absurde, au point que cela devient d’une lenteur lassante. Cependant, les idées restent très avant-gardistes pour l’époque et d’une audace intéressante.

Ainsi, Armand Gatti nous a offert une poésie en noir et blanc, rythmée par les nombreux chants qui la colorent.

A propos Donata Vilardi 25 Articles
Journaliste du Suricate Magazine