Dans les bras nus de la vie au Théâtre de la Vie

© Jacopo Bellilli

De Catherine Demaiffe. Avec Leila Putcuyps et Quentin Chaveriat. Du 5 décembre au 16 décembre 2023, au Théâtre de la Vie.

Nous sommes à Amsterdam, en 1939, le nazisme gronde, Etty Hillesum subit sa cyclothymie, elle oscille entre phases d’euphorie intense et de dépression profonde. Pour faire face aux troubles qu’elle ressent intérieurement et faire face aux troubles extérieurs qui la bouleversent, Etty se rend chez Julius Spier, un psycho-chirologue autoproclamé. S., comme elle l’appelle, soigne en lisant dans les lignes de la main et en préconisant de l’exercice physique avant les séances. Etty, foudroyée par cette rencontre, se laisse porter par cette thérapie qui sort du commun et invitée par Julius Spier, elle se met à rédiger un journal intime. De rédaction en rédaction, elle confronte monde extérieur et intérieur et se rend compte que les deux sont lié, que les deux sont tout autant réels l’un que l’autre et qu’elle fait partie intégrante des deux.

Pendant ce temps là, aujourd’hui, chez nous, la comédienne, Leila Putcuyps qui interprète Etty et le comédien Quentin Chaveriat qui interprète Julius, se posent en observateurs conscients lors d’interludes méta sur ce qui se passe à Amsterdam en 1939, sur ce qu’il se passe de nos jours et sur ce qu’il se passerait dans la salle, dans nos têtes de spectateurs pris dans cet espace poétique le temps d’un tour d’horloge. Ces instants « en dehors » sont drôles et pertinents, ils ne nous sortent pas de la poésie et de la puissance des moments entre Etty et Julius, justement, ils les appuient, les éclairent ou simplement les soulignent d’une manière différente.

La scénographie épurée, la mise en scène subtile, les chorégraphies fortes et tendres, la lumière parfaitement travaillée et parlante, tout est vraiment beau et met encore plus en exergue la performance juste et poignante des deux comédiens. Dans les bras nus de la vie, tiré de l’oeuvre d’Etty Hillesum, est le premier projet de Catherine Demaiffe dont elle écrit elle-même l’adaptation et l’écriture est splendide.

C’est un spectacle qui veut nous dire que nous sommes tous liés, que l’individu existe, mais qu’à des échelles macro ou micro tout est lié, tout est connecté. Dans sa note d’intention, Catherine Demaiffe dit que « nous avons besoin de ne plus envisager la vie comme un combat, ni l’autre comme un adversaire ; de ne plus nous considérer comme des êtres indépendants, séparés des autres et du monde ».

Et rien ne vaut un bijou artistique comme ce spectacle pour se rendre compte de l’urgence d’y parvenir.