Continuer, un drame familial en terre inconnue

Continuer
de Joachim Lafosse
Drame, Aventure
Avec Virginie Efira, Kacey Mottet Klein, Diego Martín
Sorti le 30 janvier 2019

Pour son nouveau long-métrage, Joachim Lafosse nous emmène dans un huis-clos à ciel ouvert, à travers une chevauchée dans les steppes du Kirghizistan. Continuer sera un voyage pénible pour une mère et son fils, des personnages interprétés avec sensibilité par Virginie Efira et Kacey Mottet Klein. Bien que l’image soit sublime et que cette aventure équestre donne des envies d’évasion, l’univers du film social transposé dans ce décor de bout du monde ne nous a pas convaincu.

Inquiète pour son fils de 18 ans qui a sombré dans la violence et la dépression, Sybille décide d’emmener Samuel dans un trek à cheval au Kirghizistan pour le pousser à déconnecter et à réfléchir. Mais la relation difficile entre la mère, divorcée et ayant laissé son enfant à son ex-mari et son fils colérique et asocial, sera mise à rude épreuve dans cette randonnée sauvage. Seuls avec leurs chevaux, Sybille et Samuel devront gérer les aléas d’un territoire inconnu mais surtout leur tête-à-tête conflictuel.

Dans cette adaptation du roman éponyme de Laurent Mauvinier, Joachim Lafosse nous dresse un tableau familial conflictuel, fait de non-dits et de douleurs entre une mère démissionnaire et un fils écorché vif. Une tension entre Sybille et Samuel est présente dès le départ, on ressent la rancœur du fils et les remords de sa mère qui l’a abandonné enfant parce qu’elle se sentait alors incapable d’assumer son rôle. Espérant que cette expérience leur permettra de se rapprocher, Sybille aura du mal à communiquer avec son fils, qui la mènera à bout à plusieurs reprises. Bravo à Virginie Efira et Kacey Mottet Klein pour avoir relevé le défi d’un duo torturé au bout du monde et pour leurs prouesses équestres. On n’avait jamais vu l’actrice belge dans un rôle aussi profond et touchant et le jeune Kacey Mottet Klein est intense.

L’absence d’étincelle

L’esthétique du film et le jeu des acteurs ne sont malheureusement pas suffisants pour nous transporter. Malgré la justesse des comédiens, l’alchimie n’opère pas entre eux, on n’y croit pas trop. Bien que quelques éléments de leur passé soient vaguement mentionnés, on sait peu de choses sur eux et c’est notamment cette absence d’informations qui nous empêche de comprendre leur personnalité, leur histoire et leur relation. Seuls l’animosité de Samuel et le désarroi de sa mère persistent, entrecoupés de moments de complicité maladroits. Peut-être la lecture du livre en amont aurait permis d’apprécier le film davantage. Ce qui nous tient, c’est de savoir comment va se terminer cette aventure équestre. Les chevaux ont d’ailleurs une place centrale puisqu’ils apportent un certain apaisement entre mère et fils, c’est eux qui les lieront tout au long de l’aventure, les forçant à se parler et à continuer.

Enfin, bien que Sybille communique en russe avec les habitants, on regrette un manque d’intérêt pour le pays et ses autochtones. D’ailleurs, le générique de fin indique que le tournage s’est déroulé au Maroc, alors qu’y a-t-il vraiment du Kirghizistan dans ce film ? Finalement, ce décor a permis de plonger un drame social banal dans un cadre inhabituel et exotique. En effet, s’il avait été tourné en Belgique ou en France, ce film n’aurait pas eu grand intérêt.

A propos Déborah Neusy 27 Articles
Journaliste du Suricate Magazine