« Chant des plaines », l’homme qui écrit si bien sur les femmes…

Titre : Chant des plaines
Auteur : Wright Morris
Editions : Christian Bourgois
Date de parution : 18 mars 2021
Genre : Roman

Nebraska, début du 20ème siècle. Un phénomène qui s’apparente à une malédiction pèse sur la famille Atkins : les femmes n’engendrent que des filles. Il y a pire, on vous l’accorde ! Sauf que cette famille de fermiers compte sur le fait qu’un jour, un fils reprendra l’exploitation. Il en sera autrement chez les Atkins dont le challenge principal sera de dégoter des maris. Enfin, à priori…

Commençons par le commencement avec Cora, cette jeune fille grande et taiseuse aux allures d’enseignante, qui se voit mariée à Emerson Atkins, un fermier taciturne, grommelant et bourru. Quasiment sans se parler, sans romantisme, sans échange de niaiseries dégoulinantes d’amour, les jeunes gens aussitôt mariés filent dans la ferme qu’Emerson a achetée avec son frère Orion. Cora fait ce qu’on attend d’elle : travail et devoir conjugal.

Et c’est pile à ce passage que l’on prend conscience de la sensibilité de l’auteur qui décrira l’acte sexuel vécu par la pauvre Cora comme étant aussi éprouvant qu’« une intervention chirurgicale sans anesthésie ». Puis tout s’enchaîne car ce roman, que l’on prenait au début pour une énième histoire où les femmes n’ont qu’un rôle utilitaire et sont reléguées au second plan au profit des hommes accomplissant leurs tâches viriles et décisionnelles, sera davantage basé sur la vie de Cora, de ses filles, de ses nièces et de leur descendance.

Madge, Sharon, Fayrene, Blanche, Caroline et les autres vous feront traverser 70 ans d’histoire du 20ème siècle aux Etats-Unis à travers le prisme de l’émancipation féminine et de l’évolution technologique qui s’immisce dans le quotidien des familles américaines.

La démarche féministe de l’auteur n’était certainement pas de diaboliser les femmes mariées ou les mères de famille, mais plutôt de se pencher sur les différents choix qui s’offraient aux femmes à l’époque, bien plus diversifiés qu’on ne voulait leur faire croire. En effet si certains personnages féminins s’épanouissent dans la vie de famille, d’autres délaissent l’option mariage et bébés pour adopter celle des études, d’une carrière ou tout simplement pour rompre avec la tradition. Cela ne se fera pas sans heurts, il fallait bien sûr coller à l’époque. Notons également que Wright Morris aborde avec finesse d’autres thématiques telles que la relation mère-fille mais aussi la vie sexuelle et le désir féminins. Qu’un homme de 70 ans aborde de tels sujets en 1980, chapeau !

Mais au fait, qui est Wright Morris ? Né dans le Nebraska en 1910 et mort en 1998, l’auteur n’est connu que par très peu de francophones vu qu’un seul de ses livres (sur une trentaine tout de même!) a été traduit en français en 1964. Espérons que d’autres traductions suivront !

Au final, nous vous conseillons chaudement cette saga familiale sur plusieurs générations, qui a le mérite de vous embarquer en moins de 300 pages dans un joli voyage dans le temps que l’on quitte avec nostalgie…