BRIFF 2019 : Parentalité, frigo branché et voyage cinématographique

So Long, My Son – Wang Xiaoshuai : Ce n’est qu’un au revoir, mon fils

Au début des années 1980, la Chine met en place la politique de l’enfant unique. Liyun et Yaojun vont faire face à un évènement tragique qui modifiera irrémédiablement le reste de leurs vies, ainsi que celles de leurs amis proches, dans une Chine traversée par de continuels bouleversements.

Présenté en compétition internationale au BRIFF, So Long, My Son mêle le politique au particulier. En partant de l’histoire personnelle d’un couple et en la faisant évoluer sur près de quarante ans, c’est à plusieurs générations que Wang Xiaoshuai s’adresse. Les épreuves que traversent Liyun et Yaojun se superposent aux modifications qui parcourent la société chinoise, et ainsi, la « petite histoire » rejoint la « grande Histoire ».

Pour relater cette chronique familiale et historique, le cinéaste ne choisit pas une simple chronologie des événements, mais use de nombreuses ellipses temporelles et de fréquents aller-retours entre passé et présent. Aussi, la première heure du métrage (d’une durée totale de plus de trois heures) semble de prime abord déroutante, jusqu’à ce que, chaque « morceau » prenne progressivement sa place sur la ligne du temps que se créent les spectateurs, les rôles des personnages et les implications de leurs actions se dessinent peu à peu. Ce choix, expliqué par le réalisateur lors du Q&A qui a suivi la projection, se justifie par une volonté de se concentrer sur les émotions suscitées par la totalité des évènements plutôt que de ne se focaliser que sur des faits de manière linéaire.

Film sur la parentalité, le deuil, l’amitié, la jeunesse en perte de repères, et fresque de la Chine contemporaine, s’ancrant dans un monde en constantes mutations de grande ampleur, So Long, My Son est un film aux thématiques multiples, qui demande une certaine implication de la part de son spectateur en raison de sa narration inhabituelle, mais qui détient une portée émotionnelle particulièrement forte, porté par des actrices et acteurs de talent (et déjà récompensés par deux Ours d’argent à Berlin).

La sortie du film en salles est prévue pour le 27 juillet.

Yves – Benoit Forgeard : carrément givré

Présenté en ouverture de la Director’s Week du festival, sélection qui met en valeur des œuvres qui sortent des sentiers battus, Yves nous raconte l’histoire d’un jeune adulte, Jerem, rappeur un peu raté, qui commande un frigo ultra moderne, prénommé Yves. Ce dernier, doté d’une intelligence hors du commun, détient de multiples fonctionnalités : il fait les courses, gère l’emploi du temps de son propriétaire, et peut même fournir des conseils diététiques ou d’ordre sentimental… Il en deviendrait presque humain.

Yves est un film particulièrement atypique, oscillant entre la science-fiction et comédie romantique habituelle. Il parvient sans mal à renouveler la thématique de l’intelligence artificielle, l’agrémentant de touches humoristiques et offrant plusieurs scènes étonnantes et véritablement réussies (l’on pense, notamment, à la séquence du concours Eurovision). L’on peut également percevoir, en filigranes, une certaine remise en question, ou du moins une prise de distance ironique, face aux grandes entreprises, à des relations humaines parfois factices, à une société du succès professionnel et surtout de (sur)consommation toujours plus gourmande… et toujours plus connectée : Que des « machines » ou robots acquièrent du pouvoir sur les humains n’est pas forcément novateur, mais qu’il s’agisse précisément d’électroménagers est plus étonnant.

Le film convainc toutefois moins lorsqu’il s’attache plus particulièrement à la comédie romantique, n’évitant malheureusement pas quelques travers, répliques et instants faisant montre d’une certaine lourdeur, pas toujours drôle. Cet aspect semble totalement assumé, mais finit par se montrer redondant.

Malgré cela, grâce à des idées à la fois inventives, complètement absurdes ou surréalistes, Yves parvient à offrir une comédie de science-fiction amusante et véritablement originale.

La Flor (Part I & II) – Mariano Llinás : trois épisodes, trois univers

La Flor prend la forme d’un projet particulièrement atypique et ambitieux. Il aura fallu dix ans à Mariano Llinás (qui avait réalisé Historias extraordinarias en 2008) pour concrétiser son projet, dont sept de tournage.

D’une durée totale avoisinant les quatorze heures et découpé en six « épisodes » sans connexion les uns avec les autres, le film de Mariano Llinás explore divers styles, parcoure de multiples genres, s’implante dans des univers distants. Ce faisant, il démontre l’amplitude du registre d’interprétation de ses quatre actrices principales, que l’on retrouve dans chaque épisode. Car, ce sont bien elles qui sont au centre de l’œuvre, revêtant différents rôles, passant d’un personnage et d’un monde à l’autre au fil des épisodes, ce sont elles, finalement, qui créent l’histoire dans sa totalité.

La première partie commence par un segment de film typé série B horrifique, avec la découverte d’une momie mystérieuse dans le désert qui se révèlera maléfique. Elle se poursuit, ensuite, par un second segment réalisé « à la manière » d’un film romantique et musical, teinté d’une pointe de mystère.

La deuxième partie est, quant à elle, constituée d’un seul épisode qui prend la forme d’un film d’espionnage, et traverse les époques ainsi que différentes parties du monde, grâce à des flash-back qui nous racontent le(s) passé(s) des personnages principaux, rendus polyglottes… Ces nombreux allers-retours entre passé et présent permettent, davantage encore, d’expérimenter les possibilités qu’offrent les genres et techniques filmiques.

En combinant et en voyageant à travers différents langages cinématographiques, Mariano Llinás donne à voir, déjà avec ces deux premières parties du tout qu’est La Flor, une œuvre sans précédent, polymorphe, non dépourvue de certaines longueurs, mais passionnante.

La troisième (et dernière) partie sera projetée au Cinéma Galeries le 29 juin à 11h, dernier jour du BRIFF.