« Aya et la Sorcière », quand Ghibli perd pied dans le grand bain de la 3D

Aya et la Sorcière
de Gorō Miyazaki
Animation, Aventure, Fantastique
Sorti le 18 août 2021

Lorsque les studios Ghibli ont annoncé leur passage à la 3D dans le dernier long-métrage de Gorō Miyazaki, les aficionados ont bien sûr crié au scandale. Comment, en effet, retranscrire la beauté enfantine et pourtant si complexe des dessins et des univers oniriques du studio dans un moteur d’animation générée par ordinateur ? Comment réussir à obtenir de telles profondeurs de décors, une telle précision des images, sans dénaturer les personnages et les traits si typiques de ces talentueux animateurs ?

Verdict ? Malgré l’effort, la magie n’opère pas !

Pourtant, on voulait y croire, notamment parce que Gorō Miyazaki reste le réalisateur des Contes de Terremer, l’une des productions les plus dures et les plus intrigantes du studio. Une profondeur et une atmosphère tristement absentes d’Aya et la Sorcière.

Servi par une intrigue assez simple, le film ne parvient ni à insuffler le rêve, ni à saupoudrer la douceur habituelle des fables du studio de Totoro et Chihiro. En résulte un récit d’une lenteur pesante, malgré sa petite heure vingt, où s’enchaînent les péripéties convenues au rythme d’un sentiment constant de futilité. Aya est bien sûr une protagoniste attendrissante aux premiers abords, mais sa personnalité monolithique et désagréable lasse très vite, pour devenir franchement agaçante dans la seconde partie du film. Les autres personnages ne rehaussent pas le niveau, étant eux-mêmes des caricatures des Ghiblis passés, la substance et l’épaisseur en moins.

Resterait-il les backgrounds et l’animation pour sauver le film ? Malheureusement, les quelques décors travaillés résonnent également comme des pâles copies d’un Château Ambulant ou d’une Kiki la petite Sorcière, sans jamais réussir à transcender leur médium et profiter de leur troisième dimension pour se démarquer. Pire, les personnages sont piteusement animés. Et lorsqu’on se surprend enfin à apprécier l’une ou l’autre ambiance, le film nous désarçonne par une séquence soi-disant endiablée mais dont le niveau de complexité animatique ne dépasse parfois pas celui de La Maison de Mickey.

Malgré notre bonne volonté, Aya et la Sorcière laisse un goût amer dans la bouche. Mal assuré dans un domaine déjà trusté par une nouvelle génération de cinéastes tels Mamoru Hosoda (Summer Wars, Le Garçon et la Bête) ou Makoto Shinkai (Your Name, Les Enfants du temps), le film se perd en tentant vainement de reproduire les palettes d’émotions de ses prédécesseurs externes ou même internes au studio, sans y apporter le renouveau qu’on aurait pu espérer d’un tel projet. Un coup dur pour le studio dont les productions se font de plus en plus rares, et qui peine à retrouver son souffle d’antan.