« Jurassic World : Le Monde d’Après », l’émerveillement en voie d’extinction

Jurassic World : Le Monde d’Après
de Colin Trevorrow
Action, Aventure, Science-fiction
Avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Sam Neill, Laura Dern
Sorti le 8 juin 2022

Comment l’être humain s’adapterait à une cohabitation avec les dinosaures ? Une question tendue par l’épilogue de Jurassic World: Fallen Kingdom auquel sa suite a pour mission de répondre. Promettant un spectacle aussi jubilatoire qu’effrayant, Le Monde d’Après se révèle n’être qu’une arnaque mal exécutée à 165 millions de dollars.

Ce serait mentir de dire que l’attente était insurmontable. Après une genèse de plus de 10 ans, la trilogie Jurassic World est officiellement lancée en 2015. Réalisé par Colin Trevorrow (Safety Not Guaranteed), le premier épisode se retrouvait coincé entre une volonté de poser ses propres fondations et de rendre hommage aux épisodes originaux. Pas un échec mais loin d’être une réussite pour autant, cette nouvelle entrée souffrait du traitement sommaire de ses personnages principaux, incarnés par Chris Pratt et Bryce Dallas Howard, et d’une mise en scène plate qui tentait, dans ses moments les plus inspirés, de singer Steven Spielberg.

Afin de se détacher de son modèle fondateur, sa suite sera confiée à Juan Antonio Bayona (The Impossible, L’Orphelinat) qui, bien qu’il soit limité par un scénario plus que perfectible, aura su insuffler un peu de l’émotion manquante à son prédécesseur. Empruntant aussi bien au film catastrophe dans sa première partie qu’à l’horreur dans sa conclusion, Jurassic World: Fallen Kingdom se clôturait sur la fuite de plusieurs dizaines de dinosaures dans la nature et annonçait un monde où l’être humain devrait vivre avec cette présence hostile au quotidien. Une conclusion et deux courts-métrages sous forme de teasing qui laissaient présager un dernier opus généreux et divertissant, à défaut de titiller la cheville de Jurassic Park.

Il n’en est absolument rien. Avec le retour de Colin Trevorrow à la barre, Jurassic World: Le Monde d’Après s’évertue à saboter toutes traces de bonnes idées à exploiter. Des inspirations western de sa scène de capture de dinosaure à dos de cheval aux braconniers qui vendent leur trophées dans un marché noir, en passant par les trop rares scènes de cohabitations entre les deux espèces, tout n’est qu’effleuré. Trevorrow semble toujours se tenir à distance de ses reptiles à cause d’une mise en scène d’une pauvreté rarement atteinte dans la saga. Cerise sur le gâteau : plutôt que de profiter de la liberté offerte par la fin de Fallen Kingdom, il nous promène des Etats-Unis à Malte pendant une heure et demie avant de nous enfermer dans un nouveau parc pour un climax terne et interminable.

Plus rien ne paraît impressionnant, dangereux ou palpable. La faute à une débauche d’effets numériques couplée à son incapacité totale à jouer avec les échelles, supprimant tout le gigantisme propre des épisodes de Spielberg et Johnston. Comme dans son premier épisode, le réalisateur tente néanmoins de reproduire certaines scènes de ses aînés mais atteint un niveau record d’incompréhension de ce matériel. La preuve lors d’une scène où Alan Grant (Sam Neill) feint la même stupéfaction que dans Jurassic Park à la vision du premier dinosaure qu’il voit de ses propres yeux. Là où Spielberg faisait monter crescendo la surprise à base de gros plans puis de contre-plongée et plans d’ensembles pour accentuer les différences de taille entre ses personnages humains et animaux préhistoriques dans une scène qui est désormais culte, Trevorrow filme son personnage à bord d’un avion survolant un parc. Grant et le dinosaure qu’il est censé voir ne cohabitent pas dans le même plan, se présentant alors comme l’exact contraire de cette scène.

Et ce n’est pas sur le scénario qu’il se rattrape. Le Monde d’Après se sépare en deux intrigues parallèles, l’une avec les personnages de Chris Pratt et Bryce Dallas Howard à la recherche de leur fille, l’autre avec le casting originel sous forme d’enquête/sabotage autour d’une mystérieuse invasion de sauterelles géantes qui risquent de détruire 80% des champs de blés mondiaux. Véritables protagonistes du film, les personnages de Sam Neill, Laura Dern et Jeff Goldblum semblent, quant à eux, avoir été vidés de toute leur substance, récupérés exactement là où on les avait laissé plus de 20 ans auparavant sans qu’ils n’aient évolués d’un pouce. Et ce n’est ni l’absence d’alchimie entre eux et le duo de la nouvelle trilogie ni le fan service balancé n’importe comment qui sauvent Le Monde d’Après du naufrage.