« Frère et Sœur », Haine, Gloire et Toxicité

Frère et Sœur
d’Arnaud Desplechin
Drame
Avec Marion Cotillard, Melvil Poupaud, Golshifteh Farahani
Sortie le 1er juin 2022

Après Tromperie et Roubaix, une Lumière, Arnaud Desplechin retrouve ses obsessions familiales dans Frère et Sœur. Une confrontation destructrice entre Marion Cotillard et Melvil Poupaud qui alterne constamment entre moments de grâce et ridicule. 

Haine fraternelle, retour du paria, deuil. Après s’être essayé au polar et à l’adaptation du Tromperie de Philip Roth, Arnaud Desplechin revient aux thématiques qui lui sont propres dans son Frère et Sœur, sélectionné en Compétition Officielle à Cannes. Pour incarner cette guerre fratricide, le réalisateur a choisi Marion Cotillard et Melvil Poupaud qu’il balade dans un drame parfois bouleversant mais surtout irritant.

Et pourtant, quelle introduction ! Dès les premières minutes de son nouveau long-métrage, Arnaud Desplechin donne le ton. Dans une entrée en matière saisissante de noirceur, le réalisateur nous plonge en pleine veillée funéraire. Au milieu d’un salon, Louis, prostré par le décès de son fils de 6 ans, est entouré de ses proches. Une confrontation explose lorsqu’il découvre que sa sœur Alice, absente de sa vie depuis plusieurs années, attend devant sa porte pour rendre hommage à cet enfant qu’elle n’a jamais connu. Louis insulte, crie et menace d’appeler la police si elle ne part pas de son perron. Alice, effondrée mais muette sous son voile noir, quitte l’appartement. Les années passent, l’une est devenue comédienne de renom, l’autre est écrivain et s’est isolé avec sa femme dans les Pyrénées, loin de ses proches. Malgré la haine, ils devront se retrouver après l’accident de voiture tragique de leurs parents.

Une haine que Desplechin se garde bien d’expliquer, préférant se concentrer sur la longue décrépitude de ses personnages qui ne cohabitent presque jamais au sein d’un même plan. Incapables de vivre en dehors de leur rancœur mais également d’y trouver un échappatoire autre que l’autodestruction, Louis et Alice s’empoisonnent à grands coups d’opium et d’antidépresseurs au mépris de leurs proches, réduits égoïstement à n’être que les yeux et les oreilles d’une douleur que personne ne comprend. Une incompréhension qui perdure malgré les rares éléments de réponse qui résident dans les flashbacks ponctuants le récit et qui se verbalise lorsque Alice, dans l’un des instants les plus marquants du film, avoue à son frère d’un sourire cruel et détaché: “Je crois que je te hais”.

Pourtant, Desplechin perd l’équilibre. Coincé entre sa volonté d’exposer cette confrontation avec réalisme et d’un autre côté en laissant s’exprimer la haine viscérale dans tout ce qu’elle a de plus théâtrale et pathétique, Frère et Sœur souffre de ruptures de ton qui abîment son ensemble et effacent toute empathie pour son duo d’acteur.rice. Capables d’offrir une poignée de scènes bouleversantes d’intensité et de justesse, Marion Cotillard et Melvil Poupaud basculent alors continuellement dans le surjeu et la caricature. Dénués de considération pour leur entourage et pour leurs admirateurs, Alice et Louis restent du début à la fin ces personnages autocentrés, toxiques et pénibles. Un sentiment qui collera à la peau de Frère et Sœur jusqu’à un dénouement qui aurait pu être hilarant, s’il n’avait pas été aussi abject.