De Guilhem Chatir
Avec Karima El Amrani, Bilal El Had et Guilhem Chatir,
Les 6 et 7 juin 2025
Aux Brigittines
Le 9 octobre 2025
Au Cultuurcentrum de Brugge
Le chorégraphe franco-marocain Guilhem Chatir explore les traces laissées dans le corps par la mémoire, les traditions et la filiation. Déclinant les rituels qui accompagnent le glissement vers le sommeil, un trio chorégraphique excelle dans des danses inspirées par la richesse des origines et des images qui se révèlent puis disparaissent.
Des tapis et des coussins posés au sol forment un dispositif circulaire dans une salle baignée d’une légère brume. Dans l’obscurité, un homme s’avance lentement, s’éclairant d’une lampe portable. Il déambule parmi les spectateurs assis, explore les lieux à l’aide de la lumière, scrute le ciel. On découvre deux corps couchés au sol, sans que l’on sache comment ils sont arrivés là.
Le trois personnes sont allongées, deux semblent dormir. Comme délaissée par le sommeil, la troisième se tourne, se retourne, change de position, change de place, se lève, s’agite, joue les somnambules, se couche, se relève, s’affaisse, se redresse, s’apaise.
L’homme est essoufflé mais commence à siffloter avant de reprendre sa gesticulation effrénée et tournoyante. Les deux autres, toujours immobiles au sol, poussent de petits grognements qui se révèlent être des mots en arabe. Ils se répondent puis déclament à l’unisson. L’homme debout se recouche et se joint aux psalmodies.
Les deux hommes roulent sur le côté et se contentent de murmurer tandis que la femme se dresse d’un coup, à quatre pattes, puis s’assied. Une vibration emplit l’espace sonore. La femme se déplace, tourne lentement sur elle-même. Le son s’affirme et s’étoffe. Tous trois sont accroupis et entament des mouvements lents empreint de douceur, debout, plus bas, au sol. D’abord épars, ils partagent maintenant une gestuelle fluide. Assis, ils tournent sur eux-mêmes dans un mouvement hypnotique, comme en lévitation, tant il est vain de trouver sur quel point s’appuie la force qui provoque la rotation. Ils semblent décrire des cercles aériens comme juchés sur un plateau tournant, en suspension.
Ni Ni Ya Mo Mo fait référence à une berceuse arabe qui a accompagné Guilhem Chatir durant son enfance. Cette chanson, transmise par son père, constitue pour lui un souvenir personnel et poétique, un point de départ pour explorer la mémoire et l’identité. « Ni Ni Ya Mo Mo c’est la berceuse qui m’a vu grandir, dit-il. C’est aussi la première chose à laquelle je pense en lien à mon héritage arabe. Ici je ne raconte pas le Maroc, je ne dépeins pas sa culture, mais j’empoigne enfin les traces qu’il m’a laissé ».
À partir de ce souvenir intime et poétique, Guilhem Chatir et ses partenaires, Karima El Amrani et Bilal El Had, nous immergent dans les projections et les fantasmes nés au creux de la voix de son père. Entre veille et sommeil, ils déclinent les rituels d’endormissement qui accompagnent le glissement vers le sommeil, cet état de bascule, entre-deux mondes, dans une danse où les gestes apparaissent, disparaissent et reviennent comme des souvenirs.
Aidé par la création sonore de Milan Van Doren et les lumières subtiles de Suzanna Bauer, le danseur et chorégraphe franco-marocain, établi à Bruxelles depuis 2014, explore traces laissées dans le corps par la mémoire, l’enfance et la transmission familiale. Avec délicatesse et puissance, la danse devient le vecteur d’un dialogue entre l’intime et l’universel, entre la tradition et la création contemporaine.