Blaireaux Belettes : et si on franchissait la ligne ?

© Bartolomeo La Punzina

Un spectacle de la Compagnie « Un cœur soufflé », mis en scène par Catherine Hanotiau, avec Lola Delcorps, Mathilde Geslin et Catherine Hanotiau. Du 17 au 26 février 2022 au Théâtre des Riches-Claires.

N’ayez crainte, sautez le pas et franchissez la ligne ! Vous verrez, la folie n’est finalement pas si effrayante que cela. Mimi et Mumu vous invitent à entrer dans leur univers rocambolesque et à dépasser la limite, celle qui transforme le quotidien en jeu et le personnel de l’hôpital psychiatrique en personnages cartoonesques. Après tout, chacun sa technique pour survivre !

Avec son tout premier spectacle Blaireaux Belettes, la Compagnie Un cœur soufflé s’attaque au thème de la fragilité mentale à travers l’histoire de trois jeunes femmes aux troubles multiples. Hystérie, angoisses, tocs, autant de sujets qui auraient de quoi mettre le moral des spectateurs dans leurs chaussettes et pourtant la pièce trouve les mots justes et aborde ce sujet sensible avec beaucoup d’humour (et une bonne dose de douceur). On éclate de rire devant l’imitation d’une psychologue qui rédige ses dossiers sur du papier toilette et on s’émeut devant la solitude extrême représentée par une main tendue…au bout d’une très, très longue perche. Les multiples apparitions d’un troisième personnage au milieu du duo Mimi et Mumu sont aussi percutantes qu’inattendues et donnent lieu à de multiples interprétations (avis aux spectateurs désireux d’éclaircir ce mystère : et si la paire de baskets noires était un indice ?)

Par une mise en scène mêlant habilement le jeu des corps avec celui des accessoires et des décors, Catherine Hanotiau multiplie les moyens pour exprimer les montagnes russes émotionnelles qui traversent les personnages. Peut-être est-ce justement là le fil rouge de la pièce : réussir à exprimer ses émotions et à trouver les mots, ceux qui délivrent. Mais comment communiquer dans une société qui n’écoute pas ? A travers des mises en situation à priori légères, la compagnie invite à la réflexion sur la (rupture de) communication et la place de chacun dans notre société qui porte aussi son lot d’absurdités. Sans tomber dans des comparaisons hasardeuses, on ne peut s’empêcher de penser à Samuel Beckett et à son En attendant Godot. Tantôt drôle, tantôt émouvant voire poétique, le spectacle varie les genres mais maintient un rythme agréable qui capte l’attention. Petit bonus pour les amateurs : le choix musical rock ne gâche rien, que du contraire ! Sur scène, le duo de comédiennes fonctionne à merveille et crée un répondant dynamique avec le troisième personnage. Que demander de plus ? Peut-être quelques minutes de rab à cette petite heure de spectacle un peu courte.

En ce soir de première et face à un public mêlant classe scolaire et critiques en tout genre, la Cie a su montrer toutes ses qualités et prouve par la même occasion que le Centre des Riches-Claires a eu raison de lui faire confiance. A quand la prochaine création ?