« Ex Dei », une intrigue prometteuse qui nous laisse sur notre faim

Titre : Ex Dei
Auteur : Damien Snyers
Editions : Actusf
Date de parution : 19 février 2021
Genre : Fantasy

Après La stratégie des As, Damien Snyers, auteur belge vivant à Liège, présente son nouveau roman intitulé Ex Dei. Il se déroule dans le même univers, mais se veut indépendant du premier.

Ex Dei invite le lecteur dans un univers où se mêlent magie, elfes, humains, trolls, demis, mages et artefacts secrets. Le roman suit parallèlement l’histoire de James, un elfe cambrioleur à la recherche d’adrénaline, et celle de Marion, une humaine immortelle, membre d’une organisation secrète et dotée de pouvoirs de télépathie. Alors que James tente de sauver sa peau, Marion essaye de percer le mystère qui s’invite dans le Cercle des Historiens, société secrète qu’elle essaye tant bien que mal de protéger. Le chemin des deux amis finira par se croiser à nouveau pour tenter d’éliminer un ennemi commun. Mais, comment se débarrasser de quelqu’un qui défie la mort ?

Derrière la belle couverture signée Zariel se cache l’univers imaginé par Damien Snyers, qui se base sur le monde réel du passé dans lequel est intégré l’imaginaire par le biais de la magie et des différentes espèces présentées, telles que les elfes et les trolls, qui cohabitent tant bien que mal avec les humains. Si la promesse d’un monde fantastique est alléchante pour les amateurs de fantasy, l’univers tel qu’il est présenté dans Ex Dei laisse un léger goût de trop peu. En effet, on peut reprocher au roman le manque de développement et de complexité de l’univers imaginaire, dont l’auteur semble tracer les contours sans en utiliser tout le potentiel.

C’est surtout le cas dans la narration de James, où le fait qu’il soit un elfe vivant dans un monde où la magie occupe une grande place ne semble pas avoir de réelles incidences sur le déroulement des faits. En réalité, à quelque chose près, sa narration pourrait être identique s’il était un simple humain fuyant pour sa vie dans un monde dépourvu de magie. Si le réel prend le dessus sur l’imaginaire dans la narration de l’elfe, celle de Marion compense un peu en laissant plus de place à la magie et aux éléments fantastiques, notamment grâce à son don de télépathie qui offre une perspective unique sur le fonctionnement de la pensée et des souvenirs. Toutefois, le lecteur pourrait regretter également le manque d’explications et de détails concernant notamment le rôle du Cercle des Historiens, les artefacts magiques qu’ils possèdent en secret et leur immortalité, ce qui, ajouté à la narration décousue de James, empêche de s’immerger totalement dans l’univers de Damien Snyers, pourtant prometteur.

D’autres aspects auraient également mérité plus d’attention. C’est le cas des personnages d’Elise et de Jorg, dont on connaît finalement très peu de choses. On sait cependant qu’ils font partie de La stratégie des As et on peut s’imaginer qu’ils y ont été plus développés. Ex Dei introduit ces deux personnages comme si le lecteur les connaissait déjà. Par conséquent, il aurait peut-être été plus judicieux pour une bonne compréhension de l’histoire et des personnages, ainsi qu’une plus grande immersion dans l’univers de l’auteur, de présenter Ex Dei comme une suite, plutôt que comme un roman indépendant.

Du point de vue de l’intrigue, il y a également une grande différence entre la narration de l’elfe et celle de l’humaine, toutes les deux écrites à la première personne. En effet, si l’intrigue autour de Marion se concentre sur le mystère qui s’invite dans le Cercle, la narration de James est beaucoup plus dispersée et sans véritable fil conducteur. Avant qu’il ne retrouve Marion après plus de trois cents pages de livre, les épisodes de sa narration sont sans réel intérêt ni pour l’intrigue ni pour la construction de l’univers, même s’ils permettent à l’auteur d’aborder des thèmes sociétaux qui résonnent avec les maux réels, comme le racisme, les différences sociales ou la colonisation. Il fuit pour sauver sa vie, mais les raisons de cette course-poursuite sont en réalité ridicules et les faits narrés ne jouent pas de véritable rôle dans l’histoire. Cela rend la première partie de la narration de James lente et peu palpitante.

En revanche, la narration de Marion est mieux construite (bien qu’elle commence avec une scène de rupture étrange qui n’apporte pas non plus grand-chose à l’histoire). Elle tourne autour de l’arrivée d’un personnage mystérieux qui menace le Cercle des Historiens. L’intrigue soulève de nombreuses questions et pique la curiosité du lecteur qui cherche, tel un détective, à démêler les évènements et découvrir la vérité. Malheureusement, le roman donne finalement très peu de réponses à toutes ces questions, ce qui se traduit par un manque d’adrénaline qui empêche le livre d’être le page-turner qu’on voudrait qu’il soit. La fin ouverte est cependant surprenante et laisse imaginer une suite qui pourrait enfin répondre à toutes les questions soulevées par Ex Dei.

Enfin, malgré quelques tournures de phrases erronées (« Les bouleaux étaient trop denses mon véhicule » p. 213), le style d’écriture est fluide et clair, ce qui rend la lecture agréable et limpide. En outre, les changements de narration réguliers entre la voix de James et celle de Marion sont faciles à suivre. Cependant, lorsque les deux narrations se rejoignent, il y a des répétitions et parfois des incohérences. S’il est intéressant de découvrir une même scène à travers le regard de deux personnages différents, la pertinence de cette double perspective n’est valable que si ces deux narrations se complètent plutôt que de se répéter et se contredire.

En conclusion, Ex Dei est un chouette roman, agréable à lire et à l’univers intéressant, mais qui laisse malheureusement un petit goût de trop peu, car on aimerait être emmené de manière plus profonde dans l’univers. La fin ouverte – trop, sans doute – et le manque de dénouement est source de frustration et laisse une impression d’inachevé. On peut espérer qu’une suite plus aboutie viendra lever le voile sur le mystère.